Réalisé
par Jairo Eduardo Carrillo et Oscar Andrade. Colombie. Film d'animation.
Durée : 1h15. (Sortie 16 novembre 2011).
Ceux qui ont une indigestion d’âge de glace, vomissent dès qu’ils voient un ogre vert, ont le mal de mer quand il faut chausser des lunettes 3D et ne trouvent pas Pixar si Pixar que ça, seront enfin à la fête avec "Les Petites Voix".
Qu’ils ne se laissent pas influencer si on leur parle de "documentaire animé", a fortiori "colombien". Avec "Les Petites Voix" (logiquement "Pequenas Voices" dans la langue d’Hugo Chavez), Jairo Eduardo Carrillo et Oscar Andrade sont dans la grande tradition du film d’animation sud-américain qui transgresse la sacro-sainte loi qui veut que le dessin animé s’adresse aux enfants et donc qu’il doit participer à la cuculisation du monde, cuculisation dont le prophète d’extrême-droite a été le grand Walt Disney.
Les souris doivent prendre des gants, les canards asexués élever leurs trois neveux réglementaires, le beau et le bien américains triompher de tout le reste rastaquouère. Pas de ça, ici ! Comme "Mercano le Martien" et "Boogie", dessins animés argentins sales, méchants et sanglants, "Les Petites voix" est un grand film politique ou plus exactement une grande leçon politique.
La chère Ingrid Betancourt devrait regarder le travail de ses compatriotes pour ne plus s’égarer avec son portable hors du 7ème arrondissement de Bogota ou le 16ème de Cartagène. Elle y découvrait le triste destin d’un quatuor de petits Colombiens issus des campagnes, et les entendrait raconter off, sur le ton monocorde des déjà revenus de tout, leurs malheurs reconstitués à l’aide de dessins d’enfants numérisés et animés par ordinateur. Elle comprendrait l’enchaînement des faits qui les conduisent de leur havre de paix campagnard à l’état de miséreux dans les grandes villes colombiennes.
Pris entre les combattants révolutionnaires, les milices para-militaires et les soldats gouvernementaux, ils ont vu leurs villages ravagés avant d’être, à leurs corps défendants, enrôlés chez les uns ou les autres. Leurs dessins valent mieux qu’un long discours à l’ONU : les vaches et les cochons du temps heureux aux couleurs vives du bonheur sont remplacés bien vite par des hommes en armes sombres ou monochromes et les paysans labourant leurs champs par des cadavres couchés dans des paysages en feu.
On ne peut que serrer les poings en écoutant ses bambins blasés réciter la litanie de leurs épreuves et attendre comme une libération la fin d’un film qui n’ose cependant pas nous laisser totalement désespérés. Les plus intrépides d’entre nous, ceux dont les enfants ne sont pas trop imbibés par Bob l’Éponge, se risqueront à les traumatiser pour toujours en n’hésitant pas à les plonger dans ce bain de réalité.
Il n’est pas sûr qu’en revenant de ce voyage au bout de la nuit colombienne, nos pré-ados aient encore le goût des mondes virtuels et souscrivent encore à la magie de cet imposteur d’Harry Potter. Ce qui donne une vraiment excellente raison d’aller écouter ces "Petites Voix". |