Une fois n’est pas coutume, c’est à une salle de cinéma parisienne, et à l’esprit de son fondateur Roger Diamantis qui habite toujours ces lieux, que nous allons rendre hommage.
Impossible. Im-pos-si-ble. Totalement impossible qu’un quidam ou une quidame de Paname se prétendant cinéphile, ne serait-ce qu’en allant au cinéma dix fois par an, n’ait jamais franchi le seuil du Saint-André des Arts.
Ce 30 rue Saint-André des Arts devrait d’ailleurs, en toute logique, s’appeler le Saint-André du 7ème Art.
En cet automne 2011, on fête le quarantième anniversaire d’une salle née dans l’effervescence de l’après-1968 et qui a été le témoin privilégié de ces grandes années où l’on a cru que l’utopie pouvait triompher, où l’on a espéré que les mutations ne seraient pas qu’économiques et que le monde des idées allait triompher - au moins au cinéma - du monde de la marchandise. C’était un beau rêve !
Et quoi de mieux pour rêver avec le cinéma qu’un jeune restaurateur ayant appelé"Zéro de Conduite" le bistro qu’il tenait à l’intersection du boulevard Saint-Michel et de la rue Monsieur-le-Prince ?
Dès son ouverture, le Saint-André a fait les bons choix, notamment en projetant le film d’Alain Tanner, "La Salamandre" qui restera deux ans à son affiche. Suivront des monuments de l’art et essai, comme on disait encore fièrement à l’époque : Oshima et son "Empire des Sens", Wenders et son "Au fil du temps", Eustache, Garrel, Duras...
Mais la grandeur de Diamantis et de sa programmation est de n’avoir pas écouté le vent qui tournait, ne pas avoir céder dans les années 1980 à des choix plus confortables. Bien lui en a pris : alors que ces voisins en choisissant un cinéma plus consensuel, des auteurs maintenant installés et ne prenant plus beaucoup de risques esthétiques, disparaissaient un à un, mangés par les Grecs de la rue de la Huchette et de la rue de la Harpe, Diamantis, lui, parvint à survivre en s’entêtant à faire connaître des nouveaux venus : Carax, Jarmush, Kaurismaki.
C’est là aussi qu’on a pu vraiment découvrir l’unique film de Barbara Loden, le cultissime "Wanda", et que, damant le pion à la mollesse de la Cinémathèque, eut lieu à la fin des années 1980 une extraordinaire rétrospective Ingmar Bergman.
Dans les années 1990, celle du désenchantement et de la restructuration du parc cinématographique autour de quelques mastodontes, Diamantis n’a pas su ou voulu prendre le tournant commercial suivi par un Marin Karmitz. Il a continué envers et contre tout à faire connaître de jeunes auteurs prometteurs. C’est là, par exemple, qu’on a pu découvrir "Le Cri de Tarzan" de Thomas Bardinet, oeuvre dont l’injuste insuccès marque symboliquement la fin des principes de l’art libre et de l’essai joyeux...
On y a aussi toujours projeté des films acharnés à faire survivre l’esprit libertaire qu’aimait Roger Diamantis - et qu’on retrouve dans son propre film "Si je te cherche, je me retrouve".
Au Saint-André, l’écran était donc toujours ouvert aux vieux anars comme Claude Faraldo, ou même à Aguigui Mouna, qui ne manqua jamais une des séances du midi où l’on passait le film qu’on lui avait consacré. C’est là aussi où des nouveaux cinéastes combatifs bourraient encore au début des années 2000 la salle avec des débats enflammés d’idées. On pense évidemment aux documentaires cinglants de Pierre Carles et notamment à son inoubliable "Sociologie est un sport de combat" que l’on pourra revoir en sa compagnie le 21 novembre 2011 à 20 heures.
Long parcours, divers, varié, libre, que l’on découvre dans le choix des 40 films projetés pour fêter ces quarante ans ! Bon anniversaire au Saint-André-du-7ème-Art ! Et un grand coucou céleste à Roger Diamantis, rencontré jadis autour d’un micro, qui, là où il est peut-être, regarde sur l’écran géant du ciel tous les films plus grands que la vie ! |