Quelques heures avant le concert prévu au Fil le soir même, je rencontre Alex, le chanteur-guitariste de Broussaï. Après avoir sorti trois albums, joué à l’Olympia en mai dernier, en première partie de Groundation, Broussaï est un groupe qui prend du grade dans la tribu du Reggae. Ce soir, ils viennent remercier leur public Stéphanois.

Te rappelles-tu de ton premier concert ?

Alex : Oui ! (Ses yeux se mettent à briller, un sourire s’esquisse) C’était en 2001, à Macon. Pour la fête de la musique, un pote nous a sorti une rallonge du haut de sa fenêtre du troisième étage et on s’est mis à jouer dans la rue, tous sur le même ampli. C’était notre premier concert. (Rires)

C’était déjà Broussaï comme on le connaît aujourd’hui ?

Alex : Non, à la base on était cinq musiciens. Il y avait un batteur, un bassiste, un clavier et deux guitaristes-chanteurs. On a tourné comme ça pendant de nombreuses années. En 2008, on a intégré un deuxième clavier et il y a un an une section cuivres : trompette et saxophone. Cela nous a permis d’évoluer musicalement, d’avoir une plus grosse équipe. En live, on arrive avec plus de mouvements, plus de bonhommes sur scène,  plus de musicalité. Cela apporte pas mal de choses, surtout dans le Reggae où le moindre petit ajout rajoute une nouvelle dimension à la musique.

Comment qualifies-tu le Reggae Broussaï ?

Alex : C'est difficile à qualifier, surtout que cela dépend des titres, comme de beaucoup de choses. On aime la musique Reggae acoustique, donc on aime la musique Reggae jouée. On est très influencés par la  musique jamaïcaine. On appelle ça du Reggae New Roots, c'est-à-dire qu’on est inspiré par le Reggae Roots, mais on apporte des sons un peu plus électro, un peu plus modernes, un peu plus contemporains. On a des flows assez rapides.

Par contre, on chante en français ce qui nous permet de pouvoir être compris ici dans les pays francophones : la France, Belgique, Suisse, etc. C’est aussi notre particularité. On n’essaie pas de copier nos textes sur les artistes jamaïquains, on essaie d’apporter notre spécificité, avec notre vision de ce qui nous touche, ce qui nous révolte.

Justement, j’ai écouté votre dernier album studio. Que peux-tu me dire à propos du message que vous avez voulu faire passer dans "Tree of knowledge" ?

Alex : "Tree of Knowledge" est une chanson qui parle d’éducation. C’est vrai que quand on voit aujourd’hui la politique de notre gouvernement en matière d’éducation, qui a supprimé plus de 50 000 postes de professeurs, d’instituteurs et qu’on se retrouve avec des classes surchargées dès le primaire. Pour nous, l’éducation est vraiment la base de la société, ce qu’il y a de primordial. Quand tu es enfant, je pense que tu es une espèce d’éponge et c’est cela qui va te construire, qui va faire tes racines, tes fondations… C’est une des thématiques de Broussaï que l'on avait envie de développer.

Il y en a plein d’autres. Par exemple, la chanson "Cours de l’histoire" rend hommage à tous les gens qui ont fait bougé les choses, qui ont apporté des droits et qui ont fait évolué les mentalités. On cite des Martin Luther King, Gandhi, Mandela… Il y a aussi des chansons plus intimistes. On aime diversifier nos thématiques et nos messages.

Et au niveau de votre actualité ?

Alex : On a sorti cette année un CD/DVD live qui s’appelle Rêve d’évolution. Du coup on a vraiment travaillé notre spectacle.

Pourquoi en live ?

Alex : On avait déjà fait trois albums studios, on avait envie de faire un autre projet plus basé sur le jeu de scène, sur le spectacle, sur les lumières, sur tout ce qui concerne la scène. On a toujours été un groupe de live, on a fait plus de 450 concerts… Cela nous a permis de nous investir, de faire des résidences, de travailler un peu plus notre show. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, notre show est vraiment bien rodé, on est vraiment à l’aise sur scène. Je pense que les gens le ressentent bien, et on y a pris beaucoup de plaisir. Cette chaleur communiquée, le partage avec le public sont vraiment les fils conducteurs de notre histoire et on a envie de continuer dans cette voie là.

Alex termine cette phrase avec un grand sourire.

Alex : On est en train de composer un nouvel album studio, parce qu’il faut toujours continuer à avancer. Justement, ici à Saint-Etienne il y a un jamaïquain qui s’appelle Samuel Clayton. Il est très reconnu dans le milieu du Reggae. Avec lui, on a le projet de partir en Jamaïque au mois de février et d’enregistrer l’album dans les studios Harry J à Kingston (studio oùaété enregistré - entres autres - l’album Rastaman Vibration de Bob Marley). Toujours en évolution, améliorer notre musicalité, nos textes, nos productions, nos sonorités. On essaie de mettre la barre toujours un peu plus haute. Vu que l’on est partis d’en bas, c’est bien parce qu’on arrive toujours à gravir une étape supérieure.

Quelle est votre philosophie ?

Alex : Pour tout ce qui est philosophie personnelle, tout ce qui est en rapport avec une certaine religion, avec un certain mode de vie, on a chacun nos convictions dans le groupe. Notre philosophie est de prendre le meilleur de chaque, de s’inspirer de tout ce qu'il y a de bon et d’avancer. Personnellement, quand je vois l’histoire d’une religion, c’est comme un parti politique, cela ne donne pas envie d’adhérer. Il y a trop de contentieux pour moi, trop de choses qui se sont passées. Ma philosophie est toujours de se battre pour les Droits de l’Homme. Dans certaines religions, on rabaisse les droits de la femme qui n’a rien le droit de dire. C’est le genre de truc qui me révolte. Je suis moi-même père d’une petite fille et j’espère que n’importe où elle ira dans le monde, elle sera toujours respectée, qu’elle aura toujours des droits.

Broussaï en concert, cela donne quoi ?

Alex : Un spectacle se construit avec le public et les musiciens, pour faire prendre "la sauce", pour que les vibes prennent vraiment. Tu pourras peut-être le constater par toi-même, on a une certaine énergie. On a envie de danser, de faire la fête ensemble, malgré des messages parfois un peu plus sérieux. On aime aussi l’interactivité avec le public, les faire sauter, danser, chanter ! Un concert de Broussaï en gros, c’est un échange, un partage.

Alex rejoint le reste du groupe pour se préparer à un concert Reggae New Roots !