Comédie dramatique de Georges Dupuis d'après les oeuvres et la correspondance d'Alfred de Musset, mise en scène de Marie Véronique Raban, avec Bertrand Monbaylet et Georges Dupuis.
Georges Dupuis, comédien, metteur en scène et dramaturge, s'est penché sur la correspondance et les oeuvres de Alfred de Musset pour explorer et évoquer sa personnalité de jeunesse, avant sa rencontre avec George Sand, et ce au travers d'une étonnante et pygmalionnienne amitié épisodique qui s'avèrera, peut-être sinon le révélateur du moins le catalyseur de son paradoxe existentiel.
Le jeune Musset, ambitieux, qui voulait être Shakespeare ou Schiller sinon rien, mais encore inconnu, déjà atteint d'une mélancolie qui ne doit pas qu'au spleen artistique, étouffe d'une fureur de vivre exaltée quand à l'occasion d'un duel pour lequel il mande un avocat comme témoin, il rencontre un homme avec qui, bien que son contraire absolu, s'établit une relation amicale et qui va lui faire partager sa vie de débauche. A Musset enfin de brûler la chandelle par les deux bouts et et boire la coupe jusqu'au dégoût pour ce qui n'est que le bruit de la vraie vie qui est ailleurs.
Sous forme d'un habile et pertinent montage en forme dialoguée, avec les transitions narratives distillées en voix off, et complété de textes additionnels écrits par Georges Dupuis, "Le bruit de la vie", qui ressortit au registre du théâtre de conversation sur fond historique, s'avère à la fois intéressant et passionnant car recèle une vraie intensité dramatique par la confrontation des univers, voire même du suspense quant à l'issue de cette rencontre.
Pour la scénographie, Marie Véronique Raban a utilisé avec pertinence de l'amplitude du plateau de la grande salle du Théâtre de Nord-Ouest pour y déployer les espaces à vivre de l'appartement de Musset qui deviennent, grâce à quelques meubles signifiants tels le secrétaire, le piano, la table de toilette et le fauteuil, autant d'espaces de jeu qui dynamisent la mise en scène tout en rythmant l'intrigue sous les belles lumières de Célia Clayre.
Elle dirige avec rigueur deux excellents comédiens, de surcroît bien distribués, qui forment un duo qui fonctionne parfaitement au diapason.
Georges Dupuis campe avec prestance et subtilité le dandy fortuné, oisif, sans morale autre que celle du libertin, et désabusé qui, à défaut de génie, de talent et de même de passion, et dont la placidité trahit la lucidité tragique, passe sa vie à l'occuper entre dîners mondains et soupers galants.
Face à lui, Bertrand Monbaylet incarne avec justesse et la nervosité, parfois pathétique, les tourments générationnels de l'homme et ceux existentiels du poète dont tout l'art consistera en la reconversion de la douleur, ce mal du siècle que quelques années plus tard Baudelaire, qui fustigera Musset qu'il qualifie de "maître des gandins qui invoque le ciel et l'enfer pour des aventure de table d'hôte", qualifiera justement comme la co-existence douloureuse de deux sentiments contradictoires, l'horreur de la vie et l'extase de la vie. |