Bien sûr vous connaissez le Fil à Saint-Étienne. Bien sûr vous y suivez souvent les pérégrinations des grenouilles stéphanoises. Bien sûr, vous avez dévoré leurs chroniques, interviews et autres Froggy's Sessions. Et bien sachez chers lecteurs de l'hexagone et du reste du monde, qu'il existe, autour de cette salle bien connue, d'autres lieux et d'autres villes ! Et même parfois, il se passe des choses dans ces ailleurs mystérieux, dans ces recoins du bout du monde !
Autour de Saint-Etienne, s'étirent des vallées, houilleuses souvent, métallurgiques parfois, grises toujours. Dans ces vallées, des villes se côtoient : Firminy, Le Chambon Feugerolles, Fraisses, Roche la Molière, Rive de Gier, Unieux… On y vit. On y travaille, quand il y a du boulot… On y fait aussi la fête, quand l'occasion se présente. Mais elle se fait parfois attendre, l'occasion... Ou elle pointe son nez à Saint-Etienne, l'occasion, en oubliant les alentours...
Depuis 21 ans, hier dans la plaine, aujourd'hui dans les vallées, le festival des Oreilles en Pointe crée l'occasion et l'accueille au plus près des populations, dans des petites salles, et des grandes, dans des gymnases, des cinémas… Ça s'est passé du 3 au 18 novembre et l'équipe de Froggy en garde encore bon nombre de souvenirs qui nous reviennent en flashs.
FLASH !
Il fait toujours un peu froid. C'est toujours sous la pluie et dans le brouillard que nous cherchons une petite salle. Des ombres se faufilent vite vers la lumière. La saison des écharpes qui grattent a démarré. Il bruine. Les portes s'ouvrent. C'est une voix qui nous accueille, un voile de goudron et de plumes. Ça racle lourdement autant que ça nous soulève avec légèreté. Flow ouvre le bal et le festival et nous offre un de nos plus beaux souvenirs.
Toujours juste, entre fragilité et force, entre sensibilité et coup de poing dans la gueule, Flow déroule son set et bouscule la salle. Réagissez ! "Vous n'êtes pas devant la télé, il n'y a pas d'écrans entre nous !". Loin d'un show télévisuel, le petit format de la salle lui va bien. Elle fait vibrer les lieux. Flow fait tout retentir puissamment d'un son particulier, fêlure modifiant toute résonance. Elle fait bouger les lignes et transforme ce gymnase en pont d'"Avignon", en boite à "Pouffiasse", en fête de l'Huma...
C'est toujours avec un ton des plus juste qu'elle rend un bel hommage, sincère et pudique, au poète au poing lever, son ami Allain Leprest, sans jamais le nommer. Et comme pour mieux lancer le festival un duo d'amies, pour la première fois réunies sur scène, vient donner un caractère d'exception à la soirée. Melissmell et Flow se retrouvent pour entamer leur Marseillaise, leur chant d'espoir et de révolte. On accroche. Ce duo improbable, cette rencontre grand écart, fonctionne et participe au succès de ce concert.
Pour le reste, rien ne viendra rompre cet équilibre, pas même ce reggae ni fait ni à faire de fin de séance. Le final enfoncera le clou. Pas de posture scénique mais une humanité assumée, sans trucage, qui nous emporte. Un concert de Flow reste un grand moment d'émotion qui vous prend, vous bouscule et vous dépose tendrement, quelques mètres plus loin… Un pas de côté dans l'indignation, un pas en avant dans l'émotion. Flow…
FLASH !
Melissmell entre en scène. Poupée de boite à musique, elle fait pleuvoir l'émotion en tirant sur sa voix et fait neiger les flocons qui attendaient dans ses poches. Elle a du Janis Joplin dans le timbre, du Cantat dans les cordes vocales.
- C'est incroyable ! hein ?
- Oui Mamie…
- Mais elle crie…
- C'est du Rock Mamie !
C'est vrai qu'elle crie, un peu trop, un peu tout le temps… C'est très maniéré… Tout est calibré, des gestes aux chorégraphies, des musiciens au rappel "Lalala" scandé en chœur par le public, sur fond de musiciens qui s'en vont les uns après les autres, laissant seule une chanteuse faussement surprise par l'émotion faussement jouée du public, émotion qui dure plus ou moins en fonction du prix du billet, histoire d'amortir la soirée, mais heureusement la politique tarifaire du festival prévoit des places peu onéreuses, le rappel ne durera donc pas une éternité…
Et elle crie en se roulant par terre. C'est crétin, elle va se salir. Tiens, c'est drôle derrière la scène à droite, il y a une décoration de Noël. Et derrière le rideau à gauche un petit buffet pour les artistes. Tiens, quelques néons sont restés allumés et distillent une lumière blafarde. Une fois qu'on a observé les moindres détails de la salle, on s'ennuie un peu. On peut avoir en effet beaucoup de mal à entrer dans ce concert auquel on ne croit pas. Ça ne colle pas, ça sonne faux, même si la voix est superbe.
Quelques tubes radiophoniques font chanter à tue-tête le public. Il en faut pour tous les goûts. Pourtant, comme le rappelait Flow : "Vous n'êtes pas devant la télé, il n'y a pas d'écrans entre nous !". Ah, qu'il reste du chemin pour permettre à chacun de retrouver son inaliénable souveraineté individuelle. Avec ce spleen rousseauiste au cœur, je retourne retrouver le froid de novembre… Il est bien réel celui-là !
FLASH !
Il fait très chaud. Pourtant, nous sommes dans la montagne. Le festival sort de ses vallées et grimpe à Planfoy, dans une toute petite salle, pour se réchauffer dans les rues animées des bas quartiers du Barrio Populo.
Une boule d'énergie ce groupe, comme toujours. La première note nous a tous fait reculer d'un bon mètre, et l'énergie a duré et s'est propagée pendant plus d'une heure trente. Quelques respirations, bienvenues en cours de set, ont souligné l'avancée du groupe stéphanois, qui dessine un univers qui grandit, qui grandit…
Le son s'est indiscutablement affiné et la maîtrise des musiciens également. La voix prend de l'ampleur et du relief. Les textes alternent des causes bien actuelles à défendre, des révoltes d'ado et quelques coups bien placés. Le temps fera le tri !
Voilà une date pas forcément évidente à négocier pour les Barrio, dans une petite salle, face à un public nouveau… et ils s'en sortent plutôt bien. Ils avancent et ils donnent beaucoup, sans compter et sans jamais baisser la garde. De la générosité dans le dynamisme et des combats dans le plaisir de vivre. C'est l'explosion de la jeunesse et du talent ! Mais il faut prendre le temps de se pencher sérieusement sur le cas Barrio Populo et gratter derrière l'énergie. Renseignez-vous, ils tournent beaucoup et partout, allez-y et que chacun cherche et trouve son bonheur !
FLASH !
Un dimanche après-midi éclatant, au Quarto à Firminy, seuls à trois, avec Benoit Doremus, Alexis HK et Renan Luce, que nous avons déjà largement détaillé. Un grand moment d'amitié, de chanson et de spectacle vivant.
FLASH !
Il y a des moments comme ça. Une grande salle un peu fraîche vous effraie, l'humidité vous ronge et… une voix chaude, un sourire généreux vous sauve du désespoir. On ne connaissait pas Cécile Doo-Kingué, et nous sommes heureux de la rencontrer. Agréable chanteuse montréalaise, guitariste géniale, aux formes généreuses, elle parvient en deux mots et trois notes, à se glisser la salle en poche.
Quelques morceaux soul-blues bien trempés viennent envouter la salle, tandis qu'hypnotique, elle dodeline sur scène sa silhouette, dans une rencontre de cordes, de bois et de chairs.
Et si parfois on regrette que l'énergie et la drôlerie communicative des entre-morceaux ne se distillent pas plus dans la globalité du concert, Cécile Doo-Kingué nous a offert un incontestable instant de plaisir et de rencontre musicale comme on les aime. Une Lettre à personne qui ne restera pas lettre morte…
FLASH !
Ah oui elle est flash cette chemise ! Elle est large surtout et ça fait un paquet de têtes de mort au mètre carré ! Presque autant que d'albums depuis les années 80. Quel monstre sacré ce Paul Personne, quel mythe ! D'ailleurs tiens, le voilà Paulo - Papy, regarde, voilà Paul !
Paul Personne démarre son set par une longue mélodie blues, accompagné de son groupe A l'ouest, des chevelus grunge à la chemise à carreaux. Le public est principalement composé de vieux fans. Personne rassure, "on va aussi jouer les vieilles…".
Ainsi s'offre un mélange de morceaux des années 80, 90 et 2000, des morceaux composés avec Bohringer, le vieux pote de toujours, des standards des vieux albums.
- C'est trop fort !
- Ah ça c'est sûr, il est trop fort Paulo !
Il envoie du lourd, à grands coups de solo. Il n'a pas changé.
D'ailleurs, rien ne change des vieux morceaux à ceux plus récents de son dernier album A l'Ouest. Face A ou Face B, Paul Personne reste le même. Il est intemporel, comme sa musique. C'est souvent une qualité qui s'apprécie en cours de concert, c'est parfois un défaut ennuyeux et épuisant en cours de soirée.
- C'est trop fort !
- Oui papy je sais : tu l'as déjà dit, il est trop fort ce Paul…
- NON, c'est trop fort !
- Hein papy ?
- C'est TROP fort, je m'en vais, j'ai les oreilles qui pleurent…
On aurait pu passer une mauvaise soirée… Les uns trouvaient le son trop fort, d'autres le concert trop long… Heureusement que Paul est quand même trop bon !
FLASH ! FLASH ! FLASH !
Enzo Enzo, Zebda, Camel Arioui, L, La Mal Coiffée, Sanseverino !
FLASH, FLASH, FLASH !
Nos doigts sont raides et nos dos rouillés. Nos yeux sont rouges et nos oreilles en pointes. Il est tant de terminer et de reposer tympans et rétines. Mais soyons heureux de nos fatigues de festivaliers, l'édition était dense et les vallées en fête. Quand l'occasion est là, il ne faut pas la louper ! Prochaine occas' l'an prochain, car, 22 voilà le festival des Oreilles qui se pointe à nouveau. C'est tout le mal qu'on lui souhaite pour l'année à venir… |