Artiste
culte, égérie des branchés, grande prêtresse
d’un rock décalé, diva punk, poétesse
délirante, extra-terrestre de la chanson française,
tout a été écrit sur le personnage de Brigitte
Fontaine depuis son spectaculaire retour sur les sunlights
avec l’album kaléidoscope
Kékéland.
Avec Rue Saint louis en l’île,
nous retrouvons Brigitte Fontaine, frange noire et doubles couettes,
manguette emmitouflée dans un manteau de fourrure.
Car elle craint l’été ("Betty
Boop en août" : Va prendre
tes gouttes Betty Boop criseuse/La vie au mois d’août
est bien dangereuse/ Les volets tirés reste dans son lit)
qui l’oblige aussi à fuir sa rue y préférant
"L’éloge de l’hiver"
sur fond de sarabande orientale (Que revienne
l’hiver aux splendeurs impériales et aux caresses martiales).
Si la reine des Kékés n’est pas bien loin et
resurgit avec la popesque et tubesque "Veuve
Clicquot" (Johnny Walker, le pervers
des boites des Champs est parti au dodo avec la barjot veuve Clicquot
qui était mon idole de Saint Louis à Saint Paul)
et une nouvelle version de "Le nougat",
en duo avec Mous et
Hakim de Zebda, Rue Saint Louis
en l’île est l’album des amours et des nostalgies.
Sur les compositions d’Areski Belkacem,
son compagnon de toujours et à jamais, Brigitte Fontaine
pose son verbe poétique, fulgurant et halluciné, se
jouant des genres et des registres, pour nous faire partager des
bribes de son univers.
Ode à sa rue, à son île de la capitale, "Rue
Saint louis en l'île" sur une partition originale
écrite par Astor Piazzola en
duo avec Gotan project.
Ode à son pays avec les magnifiques envolées lyriques
de "Frehel" (Nous
irons au cap Fréhel pour devenir immortel dans la grandeur
du matin/Nous filerons sur la lande dorée comme une légende).
Ode aux amours qu’elles soient ou non défuntes, qu’elles
soient ou non les siennes : dans "La chanson
de Simone" adaptée des lettres de Simone
de Beauvoir à son amour américain le bien aimé
Nelson Algren, sur un piano et un violon déchirants,
elle dit plus qu’elle ne chante, en anglais, dans un phrasé
émouvant, l’émoi amoureux et avec "Et
cetera", s’amuse sur une très belle mélodie
orientaliste, (Tu es à moi Ali Baba
de mardi gras/Je ne suis pas à toi/Pourquoi ?/C’est
bien dommage).
Grande dame de la chanson française, elle rend aussi hommage
à ses pairs avec le relookage d’une résurgence
du répertoire réaliste le mythique "L’homme
à la moto" chanté par Edith
Piaf, le portrait à la Ferré
de "Mado" bouche impalpable,
perverse et douce en pure perte (Elle est la
sirène des quais de gare/Et son domaine est nulle part)
et le gainsbourien "Grand jamais"
(Au grand jamais je ne t’échapperais/Au
grand jamais je ne te trahirais/Au grand jamais je ne te céderais/Au
grand jamais je te flatterais).
Et puis...et puis, il y a le troublant et angoissant "Folie"
sur un solo de pianoforte, (Folle de terreur
et d’horreur/Je vomis mon foie et mon cœur - Brigitte
est folle hihihi/Que c’est drôle, que c’est joli/Dans
les plumes de canari/Les feux follets et les rubis/Je ne sais comment
je survis). Brigitte, où êtes-vous?
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