Emilie Simon n’est plus une inconnue dans le paysage de la musique française. Du haut de ses 33 ans, elle cumule déjà trois Victoires de la musique qui ont récompensé deux de ses albums électroniques et la bande originale du film La Marche de l’empereur.
Son nouvel opus, Francky Knight, se démarque musicalement des précédents et tiendra pour toujours une place particulière dans sa discographie puisqu’il est dédié à son ancien compagnon, François Chevalier, décédé en septembre 2009.
L’album s’ouvre sur une véritable lettre d’amour : "Mon chevalier". La mélodie semble assez épurée mais, très vite, des cuivres viennent s’ajouter pour accompagner la prière de la jeune chanteuse. Cette première chanson, dont les paroles semblent s’envoler comme des bulles de savon, donne le ton : le sujet est grave mais le larmoyant ne sera pas de mise. Pour preuve, "Call it love" qui suit immédiatement ; un morceau tout droit issu des années 50, au texte presque simpliste (l’anglais permet cela !) et au timbre sensuel qui donne envie de se déhancher, de se laisser aller. Mêmes sensations à l’écoute de "Francky’s princess" qui incite clairement à danser. Le son électronique est celui des boîtes de nuit et contraste totalement avec les paroles très douloureuses ("Tell me why I’m still here when you’re not / I try so hard but I miss you so").
A l’évidence, Emilie Simon n’a pas souhaité laisser gagner les larmes. Ses chansons frôlent la souffrance mais ne s’y accrochent pas. Lorsqu’elle chante en français, les mélodies se font organiques, presqu’acoustiques ("Bel amour" - "Sous les étoiles") laissant la place aux mots, leur rendant toute leur puissance. La voix, souvent sensuelle, s’élève parfois dans des notes plus aigues et l’on croit entendre des cris de rébellion, de révolte contre cette morte si prématurée qui a enlevé l’être aimé. Mais toujours les cuivres reviennent, apportant de la chaleur à ces textes qui disent le manque, les lourds souvenirs ("Holy Pool Souvenirs"), l’infini de l’absence.
Et puis, au bout de ce journal intime musical, il y a l’espoir révélé dans "Walking with you". Le piano, le synthétiseur, les chœurs et la voix de la jeune chanteuse donnent vie à une chanson énergique. Paroles et musique se rejoignent pour démontrer toute sa détermination à avancer malgré tout, main dans la main avec le souvenir de celui qu’elle a aimé. L’album se clôt par une déclaration répétée à l’infini et sans pause : "Jet’aimejet’aimejet’aime". C’est un des morceaux les plus riches musicalement, où Emilie laisse s’envoler sa voix, comme si elle voulait profiter une dernière fois de cet album pour dire son amour à son compagnon.
Franky Knight est un opus romantique, mélancolique, pudique - parfois surprenant par ses rythmes entrainants. On en retiendra des textes (en anglais et en français) touchants, douloureux - jamais sinistres - des mélodies organiques et chaleureuses, une voix sensuelle, criant parfois la peine et la solitude. Et on louera la délicatesse d’Emilie Simon qui aurait pu se satisfaire de chansons tragiques pour expier son deuil et qui a su, au contraire, nous offrir un album émouvant et apaisant. |