Réalisé par Cyril Mennegun. France. Drame.
1h 20. (Sortie 4 janvier 2012). Avec Corinne Masiero, Jérôme Kircher, Anne Benoit et Marie Kremer.
Pas vraiment idéal de sortir juste après les "Fêtes" ce film sans concession, totalement sans concession, puisqu’il ne se permet même pas, comme on le craint, d’aller jusqu’au bout de sa noirceur mélodramatique.
Pas vraiment évident, juste après ce consensus sucré et bien-pensant qui rend "Intouchables" encore plus odieux qu’il ne l’est objectivement, d’en revenir à un film déplaisant et sûrement pas porteur d’unanimité.
Parce que Louise Wimmer est courageuse et pas facile à amadouer, que ce soit en tant que personnage ou en tant que film. Elle déploie des trésors d’humiliation pour garder sa dignité. Elle use son cœur aussi bien que son corps. Elle ne parle plus, elle se mure. Elle crie à peine pour ne pas se briser. Elle regarde, elle souffre, elle survit.
Elle se tient debout, scotchée, hypnotisée par un blues de Nina Simone, qui tourne en boucle et résonne fort dans sa voiture pourrie, son centre du monde, là où elle se prolonge, là où elle a encore un toit...
Cyril Mennegun la capte dans cette intimité, premier cinéaste peut être à filmer ainsi l’arrière d’une voiture-maison.
Ce qu’il saisit aussi c’est une comédienne hors norme, Corinne Masiero, qui devrait rendre bien modestes les Karin Viard ou les Emmanuelle Devos.
Quelquefois le cinéma français, représenté par des gens dont Cyril Mennegun ne s’offusquera pas du voisinage, s’empare d’une femme et en fait une merveille cinématographique. C’est Vigo filmant Dita Parlo, c’est Dreyer et Renée Falconetti, c’est Casarès et Cocteau, Françoise Lebrun et Jean Eustache, Mireille Périer et Léos Carax.
Aujourd’hui, il faut prendre le pari fou d’y joindre le couple Masiero-Mennegun. Oh ! Sans doute, Corinne Masiero ne va pas beaucoup encombrer les écrans dans les années à venir. Mais elle est de celles dont un photogramme suffira à réveiller toute l’émotion qu’elle portait dans "Louise Wimmer". Même ceux qui n’auront pas vu le film ressentiront des années après la force incroyable qu’elle y répandait.
En suivant la rude journée d’une femme qui supporte avec de la lumière dans les yeux la noirceur de sa vie, Cyril Mennegun réhabilite le fantastique social des films français d’antan. Fi du réalisme et de la statistique, il ne démontre rien, mais il fait plus : il montre l’emprise épouvantable d’une société où l’individu est maintenant l’ennemi de l’homme. Pour la quête d’un simple appartement, il faut désormais déplacer des montagnes pour vaincre l’inertie cotonneuse qui règne partout.
Il faut aussi changer de chanson : laisser le blues aux bobos, le hip hop aux milliardaires tétraplégiques et fredonner avec cette femme-courage "Days of Pearly Spencer".
Si l’on se refuse à admettre que 2012 sera l’année des catastrophes annoncées, on ira voir séance tenante "Louise Wimmer". Du haut de sa quarantaine solide et rude, Corinne Masiero écarte les résignés et les indignés pour annoncer le temps des gens qui ne renoncent pas à agir.
On la remercie pour ce beau message... |