"L'abandon" de l'écrivain américain Peter Rock arrive en France précédé de critiques élogieuses dont, en tête de pont, celle de James Ellroy ("C’est un conte à la fois poignant et tendre, sur la perte et la rédemption. Surréel, obsédant, élégiaque.").
Il s'agit de la version romancée d'un fait réel qui tient à la vie en autarcie d'une fillette avec son père dans une réserve naturelle de l’Oregon.
Ainsi résumée, l'histoire évoque aussi bien les SDF, indigents et laissés pour compte des sociétés occidentales que les marginaux volontaires, tels les décroissants, qui se ressourcent au contact de la "vie sauvage".
Mais en l'occurrence, il s'agit d'un cas de figure exceptionnel qui ne peut avoir valeur ni d'exemple ni de réflexion sur l'itinérance et/ou la marginalité au sens large du terme, ne s'agissant ni d'un état de fait, d'une fatalité ni d'un choix mais d'une psychose qui ne serait que ce qu'elle est si elle ne revêtait un caractère tragique en faisant une victime collatérale en la personne d'une enfant.
A sa démobilisation, un ex-militaire, manifestement victime d'une forme paranoïaque du stress post-traumatique des vétérans du Vietnam, enlève sa petite fille placée dans un foyer d'accueil, où elle est relativement heureuse, pour l'entraîner dans la forêt vivre en dehors du monde, perçu comme un ennemi dangereux, en limitant les contacts au strict indispensable.
Ce qui implique également de vivre non seulement en marge, mais totalement cachés et invisibles, comme en état de guerre et d'occupation, en multipliant les abris dans des arbres et les grottes camouflées, avec des cachettes d'urgence. Jusqu'au jour où la fillette commet (inconsciemment ? Pas sûr.) une imprudence. La société les rattrape, au sens propre comme au sens figuré, et bien que la fillette s'en accommode de manière positive, le père va l'entraîner de nouveau dans son errance qui prend vite la forme d'une cavale.
Peter Rock prête sa plume à la fillette qui se trouve être une narratrice au style presque clinique, sans affect réel ni pathos, ce qui donne un récit étrange dont il est difficile de croire qu'il corresponde à celui d'un enfant de son âge, et dont le titre original est "My abandonment" paraît plus adéquat.
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