Souteneur de l’autocentrée Christine Angot, adepte du partouzeur sectaire Michel Houellebecq, capable d’énoncer une chose et son contraire en une seule phrase, défenseur de tout et n’importe quoi, Murat pratique, en bref, l’art du contren –pied (cf. 1).
Murathon
La démarche est claire : comme un tas de ploucs sortent des disques de chiotte tous les six-huit mois et que les vrais artistes publient un album tous les deux ans minimum, Murat, parolier d’exception et musicien de talent, change de division et vient jouer dans la cour des petits merdeux (cf. 3) en se rappelant à nous presque deux fois par an depuis 1999.
Et le résultat est impressionnant : Mustango, Muragostang (double live), Madame Deshoulière, la production s’accélérant même avec Le Moujik et sa femme, Lilith (double album), Parfum d’acacias au jardin, sans compter une demi-douzaine de maxis d’inédits, deux albums parallèles (les Golden couillas des Rancheros, un album sur les textes d’une inconnue, Isabelle Ledoeuf, cf. 4) et aujourd’hui A bird on a poire (cf. 5).
Une telle fécondité nous fait penser à certaines références indémodables : l’intrigant Chabrol de la fin des années 60, les (plus que) sous-estimés Charlots du début des années 70 qui produisaient quatre grand classiques en deux ans (cf. 6) et, bien sûr, le papy Neil de la mid-seventies. Bref que du solide. Et il faut bien avouer qu’il y a un peu de tous ces gens-là dans notre Jean-louis préféré.
C’est qui la poire dans tout çà ?
Eh bien ce qui est heureux, c’est que ce n’est pas le chanceux possesseur de ce nouvel opus.
Ce dernier n’est absolument pas une redite des précédentes aventures de Murat. Bien au contraire, comme la pochette colorée l’annonce, les douze morceaux sont plutôt frais, gais et enjoués et constituent une production rare et de qualité dans la discographie du bougnat.
Sûr, le fait que c’est Fred Jimenez qui compose les musiques n’est absolument pas étranger à cela. L’ex AS-Dragon habitué aux ambiances sixties survoltés de Burgalat garde le côté brut du son en ajoutant un rythmique quasi binaire et des arrangements doucereux.
C’est vrai qu’on pense parfois à Divine Comedy ("Le temps qu’il ferait"), aux Tindersticks (cf. 7) ainsi qu’à certains collègues ténors de la chansons françaises ("Elle était de la Californie") avec moult cuivres, quelques violons. Surtout, il y a de l’espace, de l’air dans tous ces titres.
Certes, le fait que Jennifer Charles chante sur la quasi-totalité des titres et en solo sur le deuxième apporte un côté fun. Mais c’est toujours bel et bien du Murat qui, une fois de plus, nous prend à contre-pied. C’est même un Murat au faîte de sa forme en ce qui concerne l’écriture.
Ainsi, dans" Monsieur craindrait les demoiselles", on retrouve le Moujik A la bite en or et aux Golden couillas (cf. 8) qui cette fois-ci fait chanter de salaces propos à Miss Charles.
Voici un bien bel album de Murat and co. atypique et enjoué. Tout à l’opposé du précédent parfum qui sentait plus les chrysanthèmes que les acacias, qui donnait dans le sombre et toujours superbe classique, A bird on a poire sent les lilas et les myosotis.
A quand les magnolias ?
(Et là ça sentira aussi le sapin).