Carton rock des derniers mois, The Black Keys débarquent en France fin janvier, forts de deux albums épatants en autant d'années. Leur tournée est "sold out" partout où ils passent. Leurs noms sont sur toutes les lèvres - et sur toutes les couvertures de magazines. Bref, la consécration semble en bonne voie pour le duo d'Akron. Acquis à la force du médiator après dix années passées à écumer les petites salles aux quatre coins du monde, ce succès amplement mérité fait plaisir à voir (même s'il faut bien avouer que la concurrence ne fait pas rage).
C'est donc dans les Zénith que se produisent désormais Dan Auerbach (guitare/chant) et Pat Carney (batterie). Après Lille hier, les voilà à Paris, désormais accompagnés d'un deuxième guitariste et d'un clavier. En attendant notre pression au bar, nous entendons la fin du set de Portugal The Man (et notamment l'excellent single "So American"), groupe prometteur qu'il faudra revoir.
"Howlin' For You" est jouée d'entrée. Batterie militaire, riff ciselé et refrain repris en choeur : le ton est donné. De manière prévisible, les titres de Brothers et El Camino constituent l'essentiel de la setlist. En une poignée de chansons imparables ("Sister", "Gold On The Ceiling", "Strange Times", "Run Right Back", "Dead And Gone"), le duo marque son territoire et prouve qu'il a les épaules pour séduire les grandes salles. Le public n'a d'ailleurs aucun mal à se laisser convaincre, sautille allègrement et donne de la voix sur chaque refrain. Plus appliqués que déchaînés, les Black Keys déroulent.
Après une entrée en matière calibrée mais à l'efficacité indéniable, on assiste à un tout autre concert. Les deux musiciens additionnels quittent la scène, laissant Dan Auerbach et Pat Carney remonter le cours de leur histoire. La bride est lâchée, les deux comparses s'en donnent à coeur joie, Dan se fendant notamment de quelques jolis solos. Si la qualité des mélodies reste inférieure aux titres les plus récents du duo, cet intermède de quatre morceaux offre au Zénith un pur moment de rock & roll.
La suite du concert est plus convenue et inégale. Surtout, à mesure que la soirée avance, quelques faiblesses apparaissent clairement : les morceaux finissent par se ressembler un peu (ici et là, on n'est pas loin de la formule), le jeu de batterie de Pat Carney s'avère trop stéréotypé et ne soutient pas la comparaison avec l'inventivité de Dan Auerbach à la six cordes. Ce dernier, également excellent chanteur, s'impose sans conteste comme la véritable force motrice du duo. The Black Keys aurait aussi pu s'épargner le coup de la boule à facette ou du nom du groupe qui clignote en fond de scène sur le dernier titre - Coldplay ou les Hives font ça très bien.
On ressort de la salle avec un sentiment mitigé. Malgré de vrais moments enthousiasmants (ne serait-ce que pour "Lonely Boy", la soirée valait le détour), un travail bien fait, une setlist construite intelligemment (les Black Keys commencent à avoir une belle petite collection de tubes), les riffs explosifs en pagaille, ce concert nous laisse un peu sur notre faim. Le plus dur commence peut-être pour les Black Keys : parvenir à conserver leur crédibilité rock indé tout en creusant la brèche qu'ils ont fraîchement ouverte vers le succès planétaire. Jusqu'ici l'équilibre est parfait, mais on croise les doigts pour que dans le futur, les Black Keys ne fassent pas un pas de plus vers le mainstream. |