Comédie musicale écrite et mise en scène par David Lescot, avec Scali Delpeyrat, Marie Dompnier, Odja Llorca, Elizabeth Mazev, Céline Milliat-Baumgartner, Charlie Nelson, Jean-Christophe Quenon et les musiciens Clément Landais et Virgile Vaugelade.
En ces temps de crise économique où le spectre d’un krach général hante et fait peur, David Lescot a choisi d’illustrer la vie tumultueuse d’un "grand-père" de Bernard Madoff, Charles Ponzi.
Dans les dictionnaires anglo-saxons, le nom de Ponzi rime avec une forme moderne d’escroquerie financière. "Le système de Ponzi" promet à des investisseurs, généralement de petits épargnants, un mirobolant bénéfice en peu de temps. Mais le beau rêve a un vice : ce sont les derniers déposants qui paient les gains obtenus par les premiers. On se doute que l’édifice de carton-pâte ne tarde pas à s’écrouler.
David Lescot a décidé de suivre la montée et la chute, la grandeur et la décadence d’un assez médiocre personnage que les circonstances vont un moment auréoler de l’habit des puissants. Faux miracle et vrai mirage, l’existence de Charles Ponzi, avec ses très hauts et ses infinis bas, est retranscrite sur scène en brèves saynètes qui rappellent des séquences de films situés dans les années 1920 ou des illustrations de l’époque de la Prohibition dessinées ou inspirées par Norman Rockwell.
Sur le plateau, dix comédiens vont et viennent, jouant la comédie ou d’un instrument, et interprétant pas moins de 87 personnages, silhouettes toujours bien typées, seconds rôles récurrents, ou entourage proche de Charles Ponzi.
L’ensemble est minutieusement rythmé dans un décor unique dans lequel sont déplacées en permanence des tables qui peuvent devenir piste de danse, lits d’hôpital, estrade de tribunal ou cellule de prison...
Grâce à cette scénographie d’Alwyne de Dardel, les choses s’enchaînent à belle vitesse, aux accents Ragtime ou Charleston dispensés par certains des acteurs qui font office de musiciens quand ils ne participent pas à l’action..
Ce portrait de l’Amérique des années 1920 pourrait n’être qu’une accumulation de stéréotypes, mais à l’instar de Scali Delpeyrat, qui compose Charles Ponzi avec ce brin de fantaisie qu’on lui connaît, l’entreprise garde de la distance avec son sujet. Ainsi, quand il s’agit d’expliquer par le détail les subtilités de l’arnaque de Ponzi, les acteurs, alignés font face au public. L’explication, somme toute compliquée, évite ainsi tout didactisme.
On comprend dès lors qu’on est devant un divertissement qui a foi dans le théâtre et a choisi la légèreté pour parler de l’avidité humaine en lui opposant d’autres valeurs, ici représentées par Rose, la femme de Ponzi. Que peut l’amour d’une femme face au rêve de puissance d’un homme ? Céline Millat-Baumgartner incarne avec intensité cette face inversée de Charles Ponzi.
Sans doute, en choisissant de raconter la vie entière de son personnage, et pas simplement les quelques années allant de la conception à l’écroulement de son "Système", David Lescot doit gérer quelques passages plus faibles. Tant pis. Car, quand la machine s’emballe, il offre une belle heure de théâtre, suivie d’une fin émouvante, qui, l’une et l’autre, ne doivent pas être ratées. |