Loney Dear a été très bon en 2005, en sortant deux albums magnifiques, Sologne et Loney, Noir, inusables, qui nous donnaient envie de croire à nouveau en la pop, en sa force expressive. Qu’un artiste livre tout en une fois peut être dangereux pour la suite de sa carrière, mais aussi comment demander à une passion de s’économiser ?
Car c’est bien la passion qui est à la base de ces chansons d’apparence semblable. Une bonne connaissance de l’œuvre montre en effet que des motifs se répètent régulièrement, comme celui du crescendo. Faites le test : au début cela commence doucement, ensuite se développe la progression, pour finir les trente dernières secondes sur une extase. Alors que dans Sologne le chanteur suédois Emil Svanängen avait porté très haut cet art du crescendo, dans Hall Music ce phénomène ne parvient à dépasser une certaine routine. On a le sentiment que chacun des titres est inachevé ; qu’il s’arrête au moment où une nouveauté apparait dans une intonation, une boucle mélodique, une esquisse de piano.
Si Hall Music ne convainc pas, cela ne doit nous empêcher de penser à ce qui aurait pu être réussi, en complétant soi-même par l’imagination ce qui manque. Par exemple on pourrait prendre "Largo", le meilleur titre de l’album, et recréer mentalement le reste à partir de sa structure. Mais cette démarche ne doit nous faire oublier cette phrase de Gilles Deleuze, au sujet de Michel Foucault, qui peut s’appliquer à l’œuvre de Loney Dear (ou du génial Cass McCombs, pareillement décevant, dont je parlerai la semaine prochaine) : "Quand on admire quelqu’un, on ne sélectionne pas (…), il faut prendre l’œuvre tout entière, la suivre et non la juger, en saisir les bifurcations, les piétinements, les avancements, les trouées, l’accepter, la recevoir tout entière. Sinon, on ne comprend rien." |