Niki Valentine, auteure anglo-saxonne, a embrassé la carrière littéraire en se plaçant sous les auspices conjointes de Henry James, Daphné du Maurier et Stephen King pour oeuvrer dans le registre du thriller psychologique.
Au lecteur de juger sur pièce avec "Le refuge", son premier roman traduit en français, tout en faisant abstraction de la page de couverture, dont l'illustration évoque davantage le registre de l'horreur, et qui annonce ainsi l'intrigue "Quand une lune de miel vire au pire des cauchemars".
En réalité, il ne s'agit pas vraiment d'une lune de miel mais d'un anniversaire de mariage. Un couple anglais marié depuis 10 ans, des quadras middle-class bien assortis et apparemment heureux, décide de fêter ses noces d'étain en réitérant son voyage de noce.
Destination l'Ecosse en novembre - il n'y a que les anglais pour passer sa lune de miel en novembre en Ecosse - avec en prime la perspective, pour le pimenter - et là encore il faut être anglais pour en saisir le "piquant" - une journée d'aventure consistant en une randonnée pédestre conduisant à un refuge pour passer une nuit "à la dure".
Car en effet, quel que soit le goût pour la beauté des Highlands, partir en randonnée en novembre alors que les jours sont courts et le temps mauvais et ce en milieu de journée avec un équipement d'amateur est pour le moins déraisonnable. De surcroît quand le choix de cette destination résulte d'une décision unilatérale du mari qui veut effectuer une sorte de pèlerinage dans un lieu où se sont passés des événements qui ont conduit ses parents à se séparer. Alors bien évidemment ce qui devait arriver arrive : les marcheurs sont pris par la pluie et la nuit avant d'arriver à destination, poursuivent leur chemin de manière chaotique et dangereuse et traversent même une rivière en crue pour atteindre le fameux gîte qui n'a de refuge que le nom puisque, pris au piège de la rivière infranchissable et d'une lande tourbeuse impraticable, le couple va devoir affronter un huis-clos délétère.
L'exacerbation des sentiments due au confinement, au désoeuvrement, ils ne font rien d'autre que entretenir le feu et boire du thé, et l'absence de communication n'arrange pas la situation qui empire avec la survenance d'événements apparemment surnaturels.
Niki Valentine, qui est par ailleurs professeur d'écriture créative et professionnelle à l'université de Nottingham, connaît ses classiques et respecte scrupuleusement les règles du genre : le roman est écrit à la première personne, le narrateur étant un des protagonistes, en l'occurrence la femme.
Ce qui induit un récit subjectif, sujet d'autant plus à caution que, dès le départ, elle éprouve un mauvais pressentiment : préscience de ce qui va advenir ou plus simplement - et plus rationnel -
conscience non seulement des failles de son couple mais également de ses propres fêlures.
Car la dame manifeste des tendances maniaco-dépressives, est sensible aux signes irrationnels et la proie d'hallucinations.
L'auteur mêle
dissection des relations conjugales, analyse des phénomènes de conscience et de perception et exploration des zones ténébreuses de l'esprit humain, le tout sur fond de paranormalité. Ce qui fait beaucoup.
Le roman patine un peu, et parfois dans l'invraisemblance qui émousse le supense, les personnages ne sont guère incarnés mais il faut avoir le courage d'aller jusqu'à l'inattendu dénouement qui amène à reconsidérer sous un autre angle la lecture faite notamment dans ses prémisses. Bien joué Miss Valentine !
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