Comédie philosophique de Milan Kundera, mise en scène de Nicolas Briançon, avec Nicolas Briançon, Yves Pignot, Nathalie Roussel, François Siener, Patrick Palmero, Sophie Mercier, Philippe Beautier, Alexandra Naoum, Hermine Place et Yves Bouquet.
S’il fallait désigner le spectacle parfait pour donner envie d’aller au théâtre - et surtout d’y retourner - "Jacques et son maître" serait sans conteste celui qui viendrait en premier à l’esprit.
Nicolas Briançon (Jacques) et son complice Yves Pignot (son maître) mènent la danse avec entrain et décontraction. Diderot, revu et finalement pas trop corrigé par Milan Kundera, leur fournit un canevas idéal pour passer un moment agréable sur scène et renvoyer aux spectateurs l’écho de leur bonheur de jouer des personnages truculents.
Ils n’oublient pas de raconter de belles histoires propices à de nombreux bons mots, à une dose raisonnée de paillardises, sans oublier quelques leçons de bon sens philosophique dans lesquelles la philosophie n’est pas loin du boudoir ou du goulot de la bouteille.
Rares sont les écrivains qui, comme ici Milan Kundera, ont l’humilité de rendre hommage à l’un de leurs glorieux devanciers sans montrer ce qu’ils leur apportent ou leur retranchent. On peut seulement noter que l’auteur de "La Plaisanterie" admire avant tout le romancier Diderot, l’auteur du "Neveu de Rameau" ou de "Jacques le Fataliste", canevas de ce "Jacques et son maître", et qu’il le transpose pour la scène dans un climat théâtral qui n’est pas loin d’un illustre contemporain du philosophe : Carlo Goldoni.
Sur la scène se dessine un 18ème siècle dans lequel les libertins font des mœurs un enjeu pour la liberté. Kundera voit, à juste titre, en Diderot un auteur qui met la liberté de créer et de dire au-dessus de tout. Pas étonnant s’il a l’idée d’écrire "Jacques et son maître" après l’écrasement du Printemps de Prague.
Mais, aujourd’hui, on est avant tout ici pour rire et pour écouter les comédiens se démener dans des histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres. Les cinéphiles seront ainsi ravis de revoir sur scène le canevas des "Dames du Bois de Boulogne" de Robert Bresson, évidemment sans les dialogues de Jean Cocteau.
Toute la troupe dirigée par Nicolas Briançon est à l’unisson dans un spectacle au tempo impeccable. Dans ce divertissement populaire réjouissant, qui fait toutefois confiance à la puissance des mots, on est garanti contre les temps morts et les baisses de régime Briançon ne trompe pas son monde quand il déclare : "C’est une belle et formidable pièce. Légère et profonde, vive et grave. Elle nous fait respirer un peu plus haut, un peu plus loin. C’est un rêve de théâtre !"
Allez ! N’hésitez pas à venir y rêver à votre tour ! |