Pour combattre la vague de froid qui s'est abattue sur la France cette semaine, le Casino de Paris propose ce soir une double affiche qui risque de faire bondir le mercure : Miles Kane et les Arctic Monkeys. Soit, actuellement en matière de rock, la crème anglaise.
Entrée sur "Les Cactus" de Jacques Dutronc, pantalon de cuir, chemise léopard, clins d'oeils appuyés aux premiers rangs : Miles Kane ne lésine pas sur la séduction tape-à-l'oeil pour charmer son public. Tout ceci pourrait desservir l'anglais s'il n'avait pour lui une formidable collection de chansons pop.
Après la sombre "Better Left Invisible" et son riff au cordeau en guise d'amuse-bouche, le chanteur bombe le torse sur le refrain de "Counting Down The Days", bien soutenu par un public de connaisseurs. Réjouissant. On savoure ensuite la splendide "Rearrange", décidément irrésistible bijou pop. Plus étonnant, Miles Kane offre une reprise d'un titre de Jacques Dutronc ("The Responsible"), très fidèle quoi que plus musclée que l'original. Sympathique curiosité qui nous projette tout droit dans les 60's.
Miles Kane fait ensuite parler la réverb' et abreuve la salle de "ayayaya" sur l'excellente "Kingcrawler". Cette dernière, comme "Telepathy" - jouée juste dans la foulée - prouve que la science des refrains n'a plus de secrets pour le jeune anglais (25 ans). "Quicksand", toute en légèreté, apporte chaleur et entrain à une salle qui ne demande qu'à se trémousser. "My Fantasy", douceur très T-Rex dans l'esprit, se démarque de "The First Of My Kind", nouvelle chanson très énergique. Du même tonneau que les autres morceaux interprétés ce soir, elle laisse espérer une suite discographique réussie à l'excellent Colour Of The Trap.
Comme on l'espérait, "Come Closer" déclenche l'euphorie dans la salle. Grande chanson, grande performance. Miles Kane conclut son set avec un "Inhaler" gonflé aux hormones. L'anglais s'impose comme un excellent performer, même s'il en fait parfois un peu trop. Seul regret : ne pas avoir eu la chance d'entendre Alex Turner interpréter "Standing Next To Me" avec son comparse des Last Shaddow Puppets (honneur réservé aux spectateurs de l'Olympia trois jours plus tard).
Gros morceau de la soirée, les singes de l'Arctique feraient presque figure de vétérans au stade du quatrième album. A l'âge où nombre de groupes parviennent enfin à percer (26 ans de moyenne), les quatre de Sheffield ont déjà conquis une bonne partie du globe. En ouverture, on attend "Library Pictures" - comme cet été - et on s'apprête à jouer des coudes d'entrée. Alex Turner nous cueille avec "Don't Sit Down 'Cause I've Moved Your Chair". Le son est énorme, les Arctic Monkeys n'ont jamais sonné aussi heavy. Petite piqûre de rappel dans la foulée : "Teddy Picker" et "Crying Lightning" sont décidément de grandes chansons.
Si l'on excepte une parenthèse sereine où Alex Turner fait valoir ses talents de crooner ("The Hellcat Spangled Shalalala" puis "Black Treacle"), la première moitié du concert, frénétique et endiablée, nous envoie régulièrement dans les cordes. Gros sons de guitare, batterie martelée, riffs agressifs, basse lourde et setlist musclée : les Arctic Monkeys sont venus pour nous en mettre plein les oreilles. Depuis leur passage chez Josh Homme les anglais ne sont plus les mêmes et veulent qu'on le sache.
Noyé dans un pogo continu au beau milieu de la fosse, l'enchaînement de "Brianstorm", "The View From The Afternoon" et du monumental "I Bet You Look Good On The Dancefloor" nous laisse lessivé et euphorique. On cherche vainement de l'air sur l'explosive "Library Pictures". "Evil Twin" - face B musclée de Suck It And See - et la bourrine "Brick By Brick" finissent de nous achever.
La suite des évènements, plus variée ("This House Is A Circus", "Pretty Visitors" (avec un cinquième homme à l'orgue), "She's Thunderstorms" ("celle-ci est pour les filles !" décrète Alex Turner) et "Do Me A Favour"), montre Arctic Monkeys dans toute sa complexité et sa diversité.
La soirée se termine par un rappel cinq étoiles : "Suck It And See", splendide ballade portant la marque Turner, "Fluorescent Adolesent", tube certifié qui nous ramène cinq ans en arrière, en plein été 2007, et l'incontournable et impressionnante "505" (pour laquelle Miles Kane, heureux comme un gosse, se joint à ses potes), qui clôt tous les concerts du groupe depuis la seconde tournée.
Depuis leurs débuts, les Arctic Monkeys ne cessent de progresser et nous surprendre. L'évolution physique de leur chanteur (banane y compris) est un parfait étalon du chemin parcouru. Que reste-t-il en effet de l'oisillon chétif et boutonneux des débuts ? Caché derrière sa tignasse lors de la tournée Humbug, Turner parade aujourd'hui dans son perfecto (piqué à Miles Kane semble-t-il), transpire le charisme et la confiance en soi. Pour preuve, outre cet excellent concert, il réalise deux exploits : se recoiffer sur scène avec un peigne sans avoir l'air con et porter un col roulé avec classe.
Dicton de la soirée : température polaire et singes arctiques font bon ménage.
PS : Au petit jeu des différences entre les setlist (quasiment identiques) des trois concerts parisiens, celui de l'Olympia est déclaré vainqueur. Outre "Little Illusion Machine (Wirral Riddler)" avec Miles Kane (joué aussi au Zénith), la salle du Boulevard des Capucines a eu le privilège d'accueillir l'excellentissime Richard Hawley sur "You And I" (face B de Black Treacle). Même si le titre n'est pas franchement mémorable, voir Alex Turner et Richard Hawley en même temps sur scène reste un moment privilégié. |