Réalisé par Pierre-Henry Salfati. France. Documentaire.
1h 12. (Sortie 15 février 2012).
Au moment où disparaît Whitney Houston, revient dans nos vieillesmémoires l’écho de l’émission de Michel Drucker, "Champs-Élysées",
dans laquelle Serge Gainsbourg avait déclaré à la très jolie"afro-américaine : "I want to fuck you", entraînant cette traduction
sublime de l’animateur préféré des grands-mères
post-soixante-huitardes : "Il dit qu’il vous trouve très jolie"...
C’était l’époque où Gainsbourg se noyait dans l’alcool désespéré de Gainsbarre. Triste époque qui paraît aujourd’hui une époque merveilleuse que le documentaire de Pierre-Henry Salfati a le vertu de faire resurgir comme une madeleine commune à tout le monde.
D’emblée, on ne cachera pas que "Je suis venu vous dire..." n’est pas un modèle de travail rigoureux, que le montage des documents utilisés laisse parfois perplexe et que l’on regrette bien des digressions hors du propos. Mais, pour une fois, la forme importe peu tant le fond gainsbourien l’emporte.
Sans doute, et ce n’est pas un méchant défaut, Salfati a été submergé par son mauvais sujet chantant. Défilent sous nos yeux nostalgiques un presque demi-siècle de ce que la France a fait de mieux... Et Lucien Ginzburg, dit Serge Gainsbourg, ne cesse d’en être le centre et l’épicentre.
De sa belle voix chuchoto-balbutiante, il déplie sa vie née sous l’astre du désastre et continuée sous de bien meilleurs étoiles.
On revoit Piaf et Brigitte Bardot, Charlotte enfant et Jane à vingt ans. À peine traversée le temps de la pop que résonnent déjà les tempos reggae. Les images inédites ou cent fois revues s’empilent, les scopitones voisinent avec les interviews. Le billet de cinq cents balles brûle et le petit poing en colère s’élève contre les parachutistes.
Rive Gauche à Paris, pas loin du Pont des Arts plastiques, Gainsbourg rongeait son génie au profit de la chansonnette. Fier d’être rastaquouère, dandy d’honneur triste d’être arrivé là bien après Apollinaire et Érik Satie, il aurait aimé faire beaucoup mieux que la facilité des rimes compliquées et des allitérations virtuoses.
Gainsbourg était un passeur désespéré qu’il n’y ait plus rien à passer que quelques lalalas. Volontairement ou pas, mais résoudre la question n’a aucun intérêt, le film de Pierre-Henry Salfati retranscrit très justement cette vie qui ne fut finalement qu’une survie.
L’émotion gagnera peu à peu le spectateur quand il aura reconstitué le titre complet du film : "Je suis venu vous dire que j’étais un faux cynique et un vrai amoureux du genre humain". |