Un personnage, une voix, un style. Tiercé gagnant pour "Les merveilles" de la romancière Claire Castillon qui s'est prêté à l'exercice imposé par la collection "Ceci n'est pas un fait divers" des Editions Grasset.
Tout commence un 1er mai, le jour de la fête du muguet, avec Lulu, un chiot affectueux qui s'ennuie quand il est seul. Et, quand il s'ennuie, il aboie sans cesse au point de susciter les plaintes des voisins.
Souvent dans un tel cas, au mieux l'animal finit à la SPA, au pire abandonné au pied d'un arbre.
Mais le père de la petite Evelyne, un représentant de commerce violent et frustré par une épouse dont les inhibitions sexuelles empoisonnent la vie du couple et même la vie de famille, a une solution plus radicale pour punir l'aboyeur : il l'attache au pare-choc de sa voiture et le traîne ainsi de plus en plus vite jusqu'à le mutiler.
Le chien, bien que gravement blessé, survit mais le cerveau de la fillette ne s'en remettra pas, victime d'un traumatisme sans résilience. La douleur et la rage éprouvées n'ont pu être surmontées. Oh, elle a bien tapé sur la tête de sa mère avec un marteau mais la substitution de personne n'a pas fonctionné.
Alors depuis ce 1er mai, elle entend des cloches qui résonnent dans sa tête, parfois des clochettes quand lui arrive un événement heureux. Mais la violence sourde et douloureuse est tapie au plus profond d'une nature sauvage et amorale, fêlée de la cloche, dépourvue de libre arbitre.
Claire Castillon donne la parole à la fillette qui devient narratrice de sa vie, une vie placée sous le signe d'une violence pulsionnelle, comme son père, d'une sexualité débridée, à l'inverse de sa mère, et d'un sadisme à la fois organique et défensif.
Et si elle aime son chien, dont la mort marque la fin du monde, comme elle dit "aimer les autres ça me vient pas".
Pourtant tout serait possible puisqu'elle trouve son prince charmant en la personne d'un modeste, courageux et aimant pizzaiolo, sa "palissade devant le vide", mais elle ne tient pas en place, aspire à autre chose sans savoir vraiment quoi et préfère la prostitution au travail en usine, qui la fait mener une double vie, une autre vie aussi.
Son histoire poignante et sa trajectoire tragique, bien évidemment, se déroulent au fil d'un roman au style oral, sous la plume magique de Claire Castillon qui se fait médium, passeuse d'une voix singulière par un travail ciselé d'antiphrases et ce qu'elle nomme une "novlangue littéraire" particulièrement aboutis et réussis.
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