Michel Cloup était venu l’année dernière à Tourcoing faire la première partie du groupe Programme, avec sa formation Binary Audio Misfits, définissant la rencontre entre deux univers différents : à savoir le rock d’Experience avec le hip-hop des texans de The Word Association. Il m’a semblé regretter la présence de ce hip-hop – décidément je ne m’y ferai jamais (déjà un ami avait essayé de m’y initier, en m’assurant de la grandeur de la chose, mais c’était peine perdue.).
Je suis donc passé à côté de tout ce qui, dans Binary Audio Misfits, était susceptible de m’intéresser. Arnaud Michniak avec sa formation programmatique me parlait plus, c’était bien lui l’âme de Diabologum (on va me reprocher de l’avoir écrit).
J’ai d’ailleurs écrit tout le bien que je pensais de lui ; je vais maintenant dire celui que je pense de Michel Cloup.
Libérée de sa dimension "rap", pénible par certains côtés, sa musique en est devenue plus directe, et plus coupante. Il ne reste plus sur scène que la peau et les os, c’est-à-dire l’essentiel. Et c’est d’une manière neuve que Cloup nous parle de colère, faite de secousses intérieures et de silence ("éloquent", nous assure-t-il pour nous tromper). Son concert fut d’apparence un hymne au silence, mais aussi une sorte de prière sans les connotations religieuses.
Cloup réussit à nous mener au bord de la contestation, pour mieux l’éprouver, en ajoutant un nouvel élément de pensée : la foi, condition essentielle de la découverte de la vérité.
Mais de quelle foi s’agit-il ? Sans doute de celle qu’on invoque lorsque les forces nous manquent, et que la nécessité nous impose de prendre une rapide décision.
Il n’y a dès lors plus de comparaison possible avec Diabologum − qui pour le coup s’était complètement débarrassé de cette notion de foi, se plaçant plutôt du côté d’un désespoir glacé. Au contraire, Cloup tente de conquérir la foi aussi passionnément que, par exemple, les auteurs du Spiderland de Slint.
Sa musique en fait n’est jamais explicative, ou plutôt les paroles se font volontairement rares pour mettre en avant l’impossibilité de dire. Le titre "Cette Colère" traduit bien cette impossibilité : "je n’avais plus de voix / un animal en panique pris dans les phares d’un véhicule invisible / avec pour seul refuge cette colère". Et sur scène on sent l’incessante fuite en avant du chanteur, doublée de sa détermination à avancer.
Michel Cloup ne recherche aucunement l’apaisement : il en est arrivé à un point de sa vie (la quarantaine) où l’on ne croit plus aux consolations de la belle mélodie. Et même, la simple possibilité d’une consolation devient le plus grand danger menaçant la liberté. On ne peut que lui souhaiter d’approfondir son geste, qui montre comment l’obstination est à l’origine de certains beaux mouvements de libération.
En première partie de cette soirée, Olivier Mellano de MellaNoisEscape a proposé en solo une musique électrique et tendue, manifestant sur scène une assez bonne énergie. Certains passages nous ont amenés, peut-être à tort, à chercher les influences du côté du grand groupe oublié qu’est Low (plutôt la période électrique, où Low s’était bien éloigné de sa période Joy Division). D’autres passages intéressants également, où le chanteur prenait des directions originales marquées par une énergie bruitiste (même si trop volumineuse par moments), annoncent plutôt de bonnes choses à venir. |