Comédie dramatique de Frank Wedekind, mise en scène de Sylvain Levitte, avec Yacine Ait Benhassi, Julien Campani, Hélène Chevallier, Bénédicte Choisnet, William Edimo, Romain Francisco, Jean-Christophe Legendre, Yasmine Nadifi, Clara Noël, Lena Paugam, Juliette Savary, Bertrand Usclat et Charlotte Van Bervesselès. Dans le cadre de l'atelier d'interprétation qu'il dirige, Sylvain Levitte, élève de troisième année, a choisi de mettre en scène "Lulu" d'après Frank Wedekind avec la collaboration de Anna-Lena Strasse. Ce rôle en or pour une comédienne est l'occasion, et c'est le principe de ces travaux d'élèves de le faire jouer par six d'entre elles (d'où le "s" à Lulu).
La salle Louis Jouvet est pleine à craquer pour ce qui s'annonce comme un beau challenge : présenter une version de cette tragédie avec une mise en scène qui paraît déjà audacieuse au vu de la scénographie de Camille Duchemin, inhabituellement ambitieuse pour un travail d'élève et s'articulant autour d'un podium-cage mobile.
"Lulu(s)" est donc l'occasion d'offrir à de jeunes comédiens une matière dense pour incarner les différentes figures de ce défilé de monstres. Et le challenge est relevé haut la main. Habilement dirigés par le tandem Levitte-Strasse, on voit déjà de belles personnalités se révéler dans ce spectacle de deux heures, grotesque et cruel, lorgnant du côté de l'expressionnisme allemand et faisant la part belle aux confrontations.
Dans cet exercice délicat, Jean-Christophe Legendre est magistral dans le rôle de Schigolch, le père de Lulu. Il fait oublier largement son jeune âge par une composition brillante En ce qui concerne les Lulu, toutes ne sont pas forcément le personnage mais toutes sont tout à fait crédibles (Hélène Chevallier, Yasmine Nadifi, Lena Paugam et Charlotte Van Bervesselès).
On remarquera bien sûr Bénédicte Choisnet qui a la partie la plus payante de la fin, accompagnant Lulu dans sa descente aux enfers, mais qui ne la rate pas avec une prestation marquée du sceau de l'excellence. Clara Noël qui débute la pièce, excellente comédienne déjà vu dans des rôles difficiles chez Lars Noren ou Euripide, apporte sa fraîcheur et le germe déjà d'une Lulu en devenir. De même, le beau travail de Juliette Savary dans le rôle pas évident de la comtesse Geschwitz, amoureuse de l'héroïne.
Chez les hommes, Yacine Aït Benhassi a beaucoup de présence et William Edimo, Romain Francisco, Bertrand Usclat et Julien Campani livrent tous une prestation impeccable.
On connaissait le talent de Sylvain Levitte comédien ("Andromaque", "Le garçon du dernier rang", "Cérémonies", "Hygiène de l'assassin" et bien d'autres encore...), il prouve ici avec ce travail étonnamment maîtrisé pour un travail d'élève qu'il faudra aussi compter sur lui comme metteur en scène (tout comme Anna-Lena Strasse). Mais pour l'avoir déjà vu diriger "L'île des esclaves" avec sa jeune compagnie il y a quelques années, on s'en doutait un peu... |