La Maison Européenne de la Photographie propose une auto-rétrospective de l'oeuvre intiée en 1992 du photographe d'origine égyptienne Youssef Nabil, celui-ci ayant choisi personnellement les clichés exposés, présentée comme révélatrice d'"un travail subtil de coloriste à mi-chemin entre photographie et peinture".
Son registre : le portrait posé en studio, de préférence de personnalités people du monde des arts (cinéma, musique, art contemporain), avec un goût avéré pour l'autoportrait narcissique et la photo homoérotique (absente à la MEP).
Sa technique : la photographie-peinture à partir d'un tirage argentique en noir et blanc.
Son style : une colorisation à la main avec un lissage important entraînant simultanément un aplatissement des reliefs donnant un effet de masque et un effet lifting digne du meilleur logiciel de retouche utilisé sans modération. Ainsi, par exemple, sont effacées les 38 années qui séparent Charlotte Rampling et Alicia Keys.
Youssef Nabil indique que son travail constitue une déclinaison contemporaine d'un art traditionnel en Egypte qui consistait en la colorisation manuelle des affiches des films de l'âge d'or du cinéma égyptien des années 40-50, films qui ont bercé son enfance bien qu'il soit né en 1972.
Youssef Nabil : des portraits à gogo
Ce qui suscitera sans doute davantage l'attention, la curiosité ou l'étonnement des visiteurs, que la galerie documentaire de portraits de vieux pêcheurs yéménites et les mièvres autoportraits de l'artiste dans lesquelles il faut voir une réflexion sur l'écoulement du temps et la mélancolie de l'exil (Youssef Nabil vit depuis 10 ans à New York, haut lieu de la diaspora artistique), ce sont les portraits de stars.
Orientalisme oblige pour "la rose pop du Caire", la chanteuse Natacha Atlas,
Belle janusienne, elle apparaît version prude, en odalisque pudique dans la pose d'une Pauline Borghèse Bonaparte en Vénus telle que statufiée par Canova, et version érotique, en danseuse tenant de manière inhabituelle mais suggestive la pipe du narguilé entre ses seins.
Les autres, en portrait rapproché, sont soumis au même protocole esthétique, aplatis sur un fond uni bleu, du bleu layette au bleu céruléen du quattrocento, qui en accentue le caractère sulpicien.
Une cimaise est spécialement dédiée à un quadriptyque particulièrement sidérant : la chanteuse Alicia Keys, les actrices Charlotte Rampling et Catherine Deneuve et Marina Abramovic, "la grand-mère de l'Art performance", vêtues de noir et la tête couverte d'un voile noir.
Dans ces femmes voilées, d'aucuns voient des madones ou des saintes...