Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Tristan Garcia, mise en scène de Pauline Bureau, avec Yann Burlot, Nicolas Chupin, Thibaut Corrion, Zbigniew Horocks, Vincent Hulot, Régis Laroche, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Adrien De Van.
En adaptant "La meilleure part des hommes", roman de Tristan Garcia qui connût le succès et remporta le prix de Flore en 2008, Pauline Bureau s’attaque à une fresque où, sur vingt ans, on suit un quatuor de personnages : Valentine (Marie Nicolle) journaliste et son amant Jean-Michel Leibowitz (Zbigniew Horoks) intellectuel médiatique et professeur d’Elizabeth, Dominique Rossi dit Doumé (Régis Laroche), journaliste et fondateur d’une association radicale de lutte contre le sida et William Miller dit Willie (Thibaut Corrion) jeune écrivain sulfureux.
Ces quatre personnages vont s’aimer, se haïr, se séparer et se retrouver, dessinant en creux le portrait d’une époque et de ses mutations décisives.
Dans la brillante adaptation de sa sœur, Benoîte Bureau (également conceptrice de la scénographie), la chronologie du roman a été respectée. L’adaptation joue sur deux niveaux : le récit fait par Valentine, la narratrice, et ses souvenirs de cette période reconstitués et joués devant nous. Certes, quelques moments ont été occultés et d’autres, plus théâtraux, privilégiés mais globalement, on retrouve le cynisme teinté d’humour qui caractérisait l’œuvre.
Les scènes graves alternent avec des scènes grotesques où les répliques de Tristan Garcia dans le style très dialogué du roman sont un régal pour les comédiens, notamment Nicolas Chupin qui compose un irrésistible Jean-Philippe Bardotti, conseiller de l’ANPE et souffre-douleur de William.
L’interprétation du quatuor est sans faille : Marie Nicolle donne beaucoup d’émotion à son personnage le plus lucide des quatre, Régis Laroche impose une gravité bouleversante, Zbigniew Horoks est très crédible et Thibaut Corrion confère à Willie un désespoir provocateur (qui fait penser par moments à Patrick Dewaere). Les autres comédiens : Yann Burlot, Antony Roullier ou Adrien de Van participent tous avec talent à la qualité de l’interprétation.
Pauline Bureau dans une mise en scène frontale dont le rythme soutenu est entrainé par la guitare et la batterie énergiques (jouées en direct) de Vincent Hulot propose une belle fresque qui retrace, images d’archives en noir et blanc à l’appui et dans un style cinétique (à grands renforts de fumées de cigarettes et de scènes dénudées) les années sida et l’engagement des personnages, leur fidélité ou leur trahison.
Quelle est la meilleure part qu’on peut garder de quelqu’un ? Quelle est celle qu’on peut lui laisser ? La fin, dont la chute brutale de rythme semble amorcer une introspection et un bilan pour les personnages restants, laisse en suspens des questions importantes qu’il convient à chacun de se poser et la possibilité d’en trouver ou non des réponses. |