Réalisé par Enrico. France. Documentaire.
1h32. (Sortie 21 mars 2012).
Ceux qui s’intéressent au football comprendront la comparaison : Jean-Henri Meunier est le Brandao du septième art.
Comme le joueur brésilien qui marqua un but qualificatif en quarts de finale de la Ligue des Champions pour l’Olympique de Marseille en réalisant, contre toute attente (dont la sienne), un contrôle du dos, le réalisateur de "Y a pire ailleurs" établit un état critique très vif de la France d’aujourd’hui en filmant à la va-comme-je-te-pousse, mais avec un cœur gros comme ça qui bat jusqu’au fond des choses.
Les heureux qui ont déjà communié à "La vie comme elle va" et à "Ici Najac, à nous la Terre" se replongeront avec bonheur dans cette France aussi anarchique qu’anarchiste avec ce troisième film qui conclue provisoirement une trilogie "“librement désordonnée".
Les autres, les tout-nouveaux, une fois franchis les portes des maisons de Najac, seront ravis d’être invités sans calcul à participer à cette brocante, à ce vide-grenier que constitue cette France rigolarde et mal rasée qui se fout du FMI et des triples A parce qu’elle est dans le troc et dans le rite (celui qui fait passer un sale quart d’heure à bien des bêtes à plumes).
Galerie de personnages truculents, hauts en couleurs alcoolisées, grands dans le malheur et beaux dans la vieillesse, et surtout jamais petits dans leurs petite vies si simples et pas tranquilles.
"Y a pire ailleurs", hymne au bonheur indéfinissable, évoquera à chacun un petit bout d’une France personnelle que l’on porte en soi avec une vraie dose de mépris involontaire, celui qui fait qu’on ne se vantera jamais d’en être issu ou d’y avoir vécu les meilleurs moments inavouables de sa vie. C’est un monde où les tontons, les pépés ou les mémés sont trop gros, portent des vêtements dépareillés, n’ont pas le mot bienséant qu’il faut en bouche et qui, parfois, clope au bec ou gnole en gorge, ont perdu tout attache avec le supposé réel.
Tant pis pour les trop polis, les trop bien mis et trop bien lavés qui ne verront en eux que des riens-du-tout.
Car derrière ces naïves caricatures, il y a l’expression d’une bonté teintée de poésie, d’un savoir-vivre tombé sur le bas-côté ou carrément dans le fossé qui permet de vivre au mieux, c’est-à-dire au jour le jour et au rythme des saisons.
Dans cet Aveyron foutraque, bien loin de celui dont on a parlé la semaine dernière avec "Entre les bras", Jean-Henri Meunier chante un pays, une civilisation, un univers qui se fout pas mal de ce qui sortira des urnes le 6 mai 2012. Sauf peut-être le chef de la gare de Najac, qu’on souhaitera toujours à son poste dans le prochain film de Meunier et pas victime d’une imbécile restructuration au nom d’une "rentabilité" qui n’a pas lieu d’avoir cours à Najac.
Évidemment, on ne terminera pas ce nouveau voyage impératif à Najac sans faire un petit coucou céleste à Henri Sauzeau, mécanicien des rêves et des utopies, qui a quitté ses amis au cours de cette épisode, mais qui ne sera jamais rayé de leur carte des tendres avec ses machines incongrues pleines de réalités imaginaires.
Il n’y a qu’à Najac que l’on voit ça et il faut espérer que Jean-Henri Meunier continuera longtemps à nous embrigader dans ce Brigadoon du Massif Central. |