Spectacle conçu d'après des textes de Dante Alighieri et de Franz Kafka, mise en scène et musique originale de Alexis Forestier, avec Julien Boudart, Alexis Forestier, Antonin Rayon et Cécile Saint-Paul.
Sur son lit de mort, le dramaturge espagnol Lope de Vega fit s’approcher ses familiers et, dans un dernier râle, leur confia : "Dante m’a toujours emmerdé".
Le spectacle "Divine Party" ne s’adresse donc pas à ceux qui pourraient tenir des propos similaires, car pour pénétrer dans l’oeuvre du poète italien et dans l’interprétation qu’en fait Alexis Forestier, il faut tout abandonner et totalement s’abandonner pour un parcours de plus de trois heures.
Un spectacle total où textes et musiques interviennent, se répondent, correspondent avec en contrepoint des textes de Kafka. Collage visuel, sonore et musical, "Divine Party" est une plongée en apnée dans l’un des textes fondateurs de la littérature moderne puisqu’on y entendra de larges extraits des chants de la "Divine Comédie".
Des horreurs de l’Enfer traversé en compagnie de Virgile aux limbes du Paradis entrevu avec Béatrice, Cécile Saint-Paul est la voix du poète. Elle dit ses vers dans leur version italienne avec ferveur et application. Alexis Forestier lui répond souvent avec les mots de Kafka, des mots qu’il chante ou récite avec une voix tout droit sortie des cabarets berlinois, une voix dont il faut souligner la grande beauté.
Mais "Divine Party" n’est pas la retranscription chant-chant de la "Divine Comédie", ni un va-et-vient Dante-Kafka. On y voit et on y entend des choses très surprenantes. Les claviers ont des roulettes et peuvent se transformer en esquifs bien pratiques pour descendre le Styx. Cécile Saint-Paul et Alexis Forestier peuvent abandonner Dante pour le rock-punk ou la New Wave sophistiquée.
On pense à Rita Mitsuko même s’ils préfèrent interpréter Bérurier Noir. On pense à Spandau Ballet même s’ils jouent du Devo ou évoquent The Residents. Synthèse musicale improbable, le spectacle d’Alexis Forestier utilise à la fois Berio, Xenakis et Max Roach.
Dans ce voyage au cœur d’un étrange cabinet de curiosité, on sera entraîné par l’énergie communicative d’Alexis Forestier, sautillant et léger, visiblement heureux de donner à entendre toutes ses merveilles.
Aidés par Julien Boudard et Antonin Rayon, il faut le voir manipuler tout cet attirail fumeux et enfumé pour que jaillissent quelques moments de grâce sonore et que s’anime un plateau toujours en quête de surprises et jamais de vaines provocations. Élève de Barnum et de Raymond Roussel, il aime l’étrange, l’absurde et même l’abscons.
Si on ne rejoint pas en cours de route l’avis de Lope de Vega sur Dante, on aura eu le privilège d’entendre un texte magnifique et d’apprécier l’univers déglingué mais cohérent d’Alexis Forestier. |