Comédie dramatique de Botho Strauss, mise en scène de Benedict Andrews, avec
Cate Blanchett, Lynette Curran, Anita Hegh, Belinda McClory, Josh McConville, Robert Menzies, Katrina Milosevic, Yalin Ozucelik, Richard Piper, Richard Pyros, Sophie Ross, Chris Ryan, Christopher Stollery et Martin Vaughan.
C’est toujours un événement de pouvoir voir sur scène une "star hollywoodienne", gagnante de l’Oscar du second rôle pour "The Aviator" et partie prenante dans des succès mondiaux comme "Le Seigneur des Anneaux".
L’Australienne Cate Blanchett est donc l’atout majeur de cette version anglo-saxonne de "Gross und Klein" ("Grande et Petite"), peut-être la pièce plus emblématique du théâtre de Botho Strauss et l’une de celles qui compta le plus dans le renouveau de l’art dramatique en langue allemande, aux côtés des œuvres de Peter Stein, Peter Handke ou Rainer Werner Fassbinder.
En développant en une dizaine de tableaux la dérive de Lotte Kotte, femme brisée par la rupture amoureuse, Botho Strauss utilisait un prétexte existentiel pour caractériser l’ère du temps de l’après-guerre allemande. "Road-movie théâtral", "Grande et Petite" était en phase avec le cinéma en mouvement de Wim Wenders d’ailleurs coscénarisé par Peter Handke.
Plus de trente ans ont passé et l’oeuvre, adaptée en anglais par Martin Crimp, n’est plus connectée à la réalité d’un moment historique, ne baigne plus dans un climat d’époque. C’est désormais avant tout un portrait de femme, un beau portrait de femme qui fournit matière à une comédienne, constamment en scène, pour montrer la palette de son jeu.
Et Cate Blanchett, en professionnelle accomplie, sait tirer la quintessence du personnage : elle rit, elle pleure, elle danse, elle multiplie les mimiques et les effets de voix. Elle ose l’emphase comme la simplicité. Dans cette version "mondialisée" de Botho Strauss, tout va vers la performance de l’actrice et est là pour la servir.
La mise en scène de Benedict Andrews sait se faire cinématographique en travaillant la profondeur de champ comme le "gros plan" en mettant l’accent sur un élément du plateau, une porte à interphone ou une cabine téléphonique.
Tournent autour de sa star, quelques personnages plus figurants et prétextes que partenaires et l’on sent soudain la grande influence d’un certain théâtre anglais contemporain, dont Martin Crimp est un des fers de lance.
Est-on encore vraiment dans une pièce de Botho Strauss ? Même si l’action reste située en Allemagne, on retrouve l’atmosphère sans repère historique d’un monde en déréliction qu’on n’ose même plus concevoir comme "postmoderne". Dans ce cadre mouvant, aléatoire, Cate Blanchett a toute liberté pour justifier son statut de "néo-monstre sacré". Elle y réussit et mérite le triomphe qu’on lui fait.
Pourtant, on s’en doute, Edith Clever, à la création de la pièce, et Bulle Ogier, dans sa version française mise en scène en 1982 par Claude Régy, incarnaient Lotte Kotte avec plus d’intériorité, plus de nuances et plus de trouble.
Reste que "Big and Small" traite Botho Strauss en classique et, en le tirant vers le divertissement plutôt que vers l’introspection, vers la psychologie plutôt que vers le politique, lui assure de nouveaux horizons, qui seront jugés vains par les uns ou prometteurs par les autres. |