Le souhait de l'auteur de roman policier Dominique Sylvain de reprendre l'écriture d'un de ses premiers romans, "Travestis" écrit en 1998, qui n'était plus disponible à la vente, et dont la réimpression était envisagée par les Editions Viviane Hamy, a abouti, en définitive, tout en conservant la trame initiale, à l'écriture d'un roman largement remanié qui paraît sous le titre "Le Roi Lézard".
Dans ce roman policier d'enquête qui se déroule au début des années 90, Dominique Sylvain développe habilement deux enquêtes en parallèle autour de deux thématiques classiques, le meurtre crapuleux et le meurtre sacrificiel du psychopathe. L'une, officielle et publique diligentée par la police pour débusquer un tueur en série, surnommé le Boucher des quais, qui s'acharne sur les chômeurs et les SDF.
L'autre, qui s'avère être l'intrigue principale, est menée à titre personnel par un détective privé sur le meurtre sans coupable et au mobile trouble de son oncle, également détective privé, qui remonte à plus de vingt ans, dans le Paris "sex, drugs and rock 'n' roll" des seventies avec en fond de scène la figure mythique du chanteur des Doors, Jim Morrison, surnommé "Lizard King" dont des bandes enregistrées par ce dernier peu de temps avant sa mort constituerait peut-être le noeud de l'affaire.
Le point commun entre les deux ? Le commissaire Serge Clémenti, chargé de la Brigade criminelle, est l'amant de la détective Louise Morvan, ce qui colore l'opus d'une une romance du style "éternels fiancés" un peu chaotique, et qui lui apporte des éléments permettant de reprendre l'enquête.
Et ce non pas tant dans l'intérêt général qu'égoïste : en effet, il espère que la découverte de la vérité purgera le complexe d'Oedipe suscité par un oncle adulé que les qualités ("l'élégance toute britannique de David Niven, la liberté de Dean Moriarty, héros givré de Kerouac, l'impact sur les dames de Cray Grant") ont érigé en idéal masculin qui l'empêchait de tomber amoureuse.
A l'aide ponctuelle, mais acquise, du policier s'ajoute celle d'un ex-amant journaliste dont elle sait efficacement solliciter la coopération. Car la jeune femme est jolie ("de longs cheveux châtain encadrant un visage ovale et mutin, elle aurait pu passer pour une fille-liane des années psychédéliques") et n'a pas peur d'aller au charbon et de payer de sa personne.
Cette double collaboration n'est pas sans évoquer celle dont bénéficie l'un des plus célèbres détectives privés du roman policier à la française, le Nestor Burma de Léo Malet, avec qui elle partage également le goût pour la voiture vintage même si son Aston Martin 64 héritée du tonton ressemble davantage à la Peugeot 504 cabriolet de la série télévisée diffusée entre 1991 et 2003 que de la Peugeot 203 originale.
Sur fond de jazz et de chansons rock, l'enquête, et la quête, de la jeune femme qui va remuer un passé peuplé de personnages parfois stéréotypés, le flic infiltré qui brouille les frontières, le corse mafieux, la bourgeoise encanaillée, une chanteuse russe marié à un dealer psychopathe et qui sont cependant ceux qui figuraient dans les vraies "affaires" des années 70, ne va pas sans quelques péripéties meurtrières qui musclent crescendo la partition. |