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Hervé Bentégeat  (Editions du Rocher)  avril 2012

Parmi toutes les opus politiques au sens large du terme qui sont parues au cours du premier trimestre 2012, année d'élection présidentielle oblige et inspire, "Le Roman de la gauche" signé par Hervé Bentégeat, essayiste et romancier, ancien journaliste au Point et chroniqueur sur Slate, se présente comme un ouvrage bienvenu, capital et passionnant.

Il analyse et décrypte de manière objective, lucide et accessible à tous, la grande épopée de la gauche, depuis sa naissance, engendrée par la droite, pendant les convulsions de la Révolution Française aux réalités conjoncturelles du 21ème siècle, assortie d'une réflexion argumentée sur l'avenir de l'idéologie de gauche qui, bien évidemment, conduit également à aborder non seulement le clivage gauche/droite mais également les fondamentaux de la droite.

Cet ouvrage à l'écriture fluide, est A LIRE ABSOLUMENT pour tous les indécis, les déçus, les désenchantés, les nuls en politique qui ne veulent pas le rester, les curieux, les passionnés pour qui le monde n'est pas né avec eux et ne finira pas après eux, les indifférents qui ne veulent pas interrompre un dimanche cocooning pour se déplacer au bureau de vote, les dubitatifs qui pensent que gauche/droite c'est "bonnet blanc et blanc bonnet", les opportunistes qui ont une carte d'inscription au PS et à l'UMP, les déçus qui se découvrent une âme de militant, les suspicieux qui croient qu'il pourrait s'agir d'un outil de propagande, les sceptiques qui attendent encore le messie, les apolitiques à la sensibilité de gauche qui espèrent encore… bref pour tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la vie de la cité.

"Le Roman de la Gauche", c'est d'abord l'Histoire de la gauche ("une histoire de bruite et de fureur") sur laquelle se penche Hervé Bentégeat pour en dresser la fresque historique, politique et économique et épique qui se déroule sur trois siècles et dont il convient de tirer des enseignements qui ne sont pas anodins au regard de la situation contemporaine.

Une histoire qui outre sa genèse est marquée par des dates clés. Au 19ème siècle, 1848 qui génère la dualité de la gauche ("la gauche républicaine attachée à la liberté politique mais partisane du maintien de l'ordre social et la gauche révolutionnaire attachée au renversement de l'ordre bourgeois"), la Commune, la dernière grande insurrection révolutionnaire et symbole de l'oppression de la classe ouvrière et les élections de 1875 qui confortent un clivage droite/gauche entre "la tendance conservatrice composée des classes dirigeantes et de leurs dépendances, les paysans et la moyenne bourgeoisie républicaine, inquiète par la poussée socialiste et une tendance démocratique et égalitaire composée d'intellectuels, de bourgeois voltairiens et du peuple ouvrier".

Au 20ème siècle, 1929 qui rend le clivage irréductible avec l'arrivée au pouvoir de l'économie (par la pratique communiste de l'appropriation des moyens de production et la théorie de Keynes), le mythe du Front populaire qui réconcilie le peuple et l'Etat, la fracture de la gauche en 1947 avec Daladier qui chasse les communistes du gouvernement qui aboutit au déplacement de la gauche traditionnelle vers le centre de l'échiquier politique et 1981 qui sonne le glas de la dernière illusion avec notamment la marche arrière de 1983.

L'Histoire, c'est également des hommes et Hervé Bentégeat propose une typologie des hommes de gauche, qui s'avère aussi intéressante qu'instructive et se décline en deux catégories : les mystiques et les politiques.

La première rassemble les utopistes, "belles figures de gauche au sommet de son panthéon mais qui ne parviennent jamais au pouvoir faute de malice" (Camille Desmoulins, Jaurès, Lamartine), les doctrinaires fanatiques, tels Robespierre et Auguste Blanqui, pour qui la fin justifie les moyens, les éminences grises qui savent que "le pouvoir se perd alors que l'influence demeure" (Pierre Bousselll, Eugen Fried) et les dévoyés, mystiques zélés dévorés par une ambition personnelle et défendant des propositions extrêmes comme Fouché et Jacques Doriot.

Parmi les politiques, outre la flopée des opportunistes au flair infaillible, figurent les hésitants, honnêtes lucides et tourmentés égarés en politique au rang desquels figurent Léon Blum, Jacques Delors et Michel Rocard, les cyniques comme Georges Clémenceau et François Mitterrand, dont "le don suprême repose sur la naïveté des autres" et dont l'ambiguïté s'accompagne d'un "art achevé de la dissimulation", rappelant la prouesse miterrandienne de "sortir de la guerre décore à la fois de l'ordre de la Francisque et de la médaille de la Résistance", et les humanistes pour lesquels la politique est un sacerdoce et qui ne font pas carrière (tels Pierre Mendès-France et Robert Badinter, "des boussoles qui indiquent la bonne direction, utiles dans les périodes difficiles, encombrants et indésirables autrement").

Bentégeat complète les portraits des hommes politiques de gauche en procédant au jeu des contraires et des appariements : pour les contraires qui conduisent à des luttes intestines de Danton et Robespierre ("le feu et la glace") à François Mitterrand et Michel Rocard ("le Florentin et le protestant").

Pour ce qui concerne les représentants actuels de la gauche, il procède par analogie percutante telle celle entre Madame Roland et "la dame du chabichou".

S'agissant de ceux qui sont en lice pour l'élection présidentielle de 2012, les portraits sont plutôt positifs. Ainsi, il relève la fougue naturelle, la conviction sans faille, le goût de la polémique et de la violence verbale de Jean-Luc Mélenchon, fidèle à l'idéal de ses 20 ans, qui en font un tribun exceptionnel et la grande ambition que recèlent les allures bonhommes de François Hollande en qui il voit non seulement un honnête homme enclin au compromis et au rassemblement mais également l'homme des époques de mutation comme l'époque actuelle, époques historiquement favorables à porter la gauche au pouvoir.

"Le Roman de la Gauche", c'est ensuite le clivage idéologique droite/gauche.

Hervé Bentégeat recense et analyse de manière imparable le clivage droite/gauche qui tient à des fondamentaux radicalement opposés qui peuvent également permettre, le cas échéant, au lecteur indécis ou néophyte de se positionner politiquement par rapport à ses propres valeurs.

Cet antagonisme tient, en premier lieu, à la vision de l'homme (pour la droite "la somme des intérêts particuliers fait l'intérêt général", pour la gauche "la collectivité est supérieure à la somme de parties qui la composent") et, en second, à la posture de gauche qui croit aux idées et porte un rêve de bonheur pour l'individu alors que la droite ploutocrate, figée dans le réalisme, se cantonnant dans la gestion, n'a pas d'idéologie : elle est simplement utilitariste et se cantonne dans la gestion ("la droite attend de la politique des jours tranquilles, la gauche des jours meilleurs").

"Le Roman de la Gauche", c'est aussi et surtout l'avenir de la gauche.

Hervé Bentégeat fait un état des lieux de la politique d'une lucidité implacable tant en ce qui concerne le passé et le présent que la situation de la gauche dont il écrit qu'elle paye un lourd tribu au discrédit des idéologies et dont la mission historique est achevée, "noyée dans le marais des intérêts satisfaits".

A l'exception de Jules Ferry, pour sa réforme majeure concernant l'instruction comme base de la liberté et de Charles de Gaulle, "parce qu'il a su dire non à la fatalité", il ne nourrit guère d'illusion sur les politiciens d'antan : "il existe peu d'hommes admirables dans le personnel politique, même au plus haut niveau : malgré leur aplomb et leur impudence, ils sont rarement à la hauteur des idées qu'ils sont censés porter, et malheurs de l'histoire s'expliquent bien souvent par leur insuffisance".

Pas davantage sur ceux d'aujourd'hui, les élites de droite comme de gauche étant issues du même moule, la fameuse Ecole Nationale d'Administration "l'ennemi des grandes envolées" qui "forme les esprits épris d'ordre, porteurs ni de souffle ni d'inventivité".

Avant de s'essayer à une réflexion prospective sur l'avenir de la gauche, il rappelle quelques postulats, évidences et réalités à ne pas perdre de vue.

D'une part, les particularismes de la vie politique en France (ignorance des contre-pouvoirs, conquête de haute lutte des droits, binarité "on ne se fait pas élire en France en prônant la mesure ou le juste milieu"), de son électorat (la tendance lourde de la société orientée à droite et la pratique du "zapping électoral" par une grande fraction des électeurs que l'auteur compare à des sables mouvants ("à moins d'avoir l'âme d'un militant on vote toujours par défaut"), l'immense classe moyenne constituant "le ventre mou de la politique") et du paradoxe français ("premiers à applaudir aux grandes idées généreuses derniers à les traduire en bulletins de vote").

D'autre part, la situation mondiale face à deux incontournables. La première, la fin des idéologies ("la faillite des idéologies du 20ème siècle, mortes l'une à Auschwitz, l'autre au goulag, en même temps qu'elle détruisait les illusions, a introduit une notion qui rend caducs les vieux antagonismes").

La seconde, le primat de l'économie depuis le début des années 30 qui a engendré la démocratie de marché et son corollaire le dévoiement de l'argent-moyen devenu un produit et un but ("cette financiarisation crée des poches de richesses bénéficiant à des organismes ou à des individus qui n'apportent rien à la collectivité ou rien qui justifie les écarts indécents de revenus et de fortune").

Enfin, dans le contexte d'un libéralisme qui a atteint son seuil critique et d'une société à l'horizon bouché, le constat quant à la réalité sociale française est sombre : une société morne, lasse et apathique ("Ce qui lui fait défaut, ce ne sont pas les talents, c'est l'envie. Il lui manque un ressort que trente ans de crises continues, d'identité égarée et de gouvernants sans relief ont cassé") et le développement de l'individualisme petit bourgeois dû aux gains de prospérité qui ont conduit à "l'embourgeoisement des conditions et des esprits".

Pour Hervé Bentégeat, et malgré la montée de la droite en Europe et le fait qu'il n'y a pas de place pour une politique économique authentiquement de gauche, la gauche n'ayant pas, au demeurant, de système alternatif à proposer, n'est pas encore vaincue car il tire les leçons de l'Histoire qui montrent que la gauche arrive au pouvoir plutôt dans les périodes de dépression qui engendrent peurs et pertes de repères.

Mais elle doit avoir dans sa manche le carré gagnant : un discours qui la porte au-delà d'elle-même et au-delà de la contestation pour être porteuse d'un rêve, une ligne d'horizon ("il n'y a pas de société qui dure sans idéal"), un programme d'encadrement de la démocratie de marché et une crédibilité en matière de gestion économique.

Et Hervé Bentégeat de citer le modèle américain : "cette terre qui est la patrie du consumérisme est toujours porteuse d'un double rêve, celui de l'enrichissement individuel et celui de la fierté nationale".

Un "roman" à lire, à méditer donc et à conserver en livre de chevet pour se rafraîchir les idées sur les choses du monde.

 

MM         
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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
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"Récifs" de Romesh Gunesekera

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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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