Daniel Darc nous rend nostalgique d’une période révolue : 1976, l’année de l’explosion punk, période de refus par excellence, ce que Greil Marcus analysait comme la continuation du grand sursaut de mai 68 mais par une autre voie. L’attitude punk nous manque : celle qui aurait plus à voir avec la fuite de Rimbaud qu’avec le tapage des Sex Pistols. Dans les gestes de Daniel Darc, dans sa nervosité et sa façon d’être face au public, on pense souvent à cette période. En supprimant les guitares, Darc n’aurait gardé du punk que sa force vitale, et sa poésie.
Ses chansons se doublent d’un dépouillement et d’un caractère spirituel nous faisant également penser aux écrivains de la Beat generation – Burroughs, Ginsberg, Kerouac. Il ne faut pas prendre au sérieux Daniel Darc lorsqu’il nous parle d’enfer, de paradis, de rédemption. Son protestantisme n’explique pas ses chansons, mais au contraire leur fournit une source d’inspiration. Il est davantage question ici de mélancolie, et de la précarité d’une vie qui n’en finit pas de se briser. Il faut que le cœur se brise ou se bronze, semble nous dire Darc, sauf que dans son cas, son cœur encore grand n’a pas eu le temps de cicatriser. Dans son magnifique album Crève coeur, chacune de ses chansons témoignait de sa solitude face aux apparences trompeuses de l’amitié, et de l’amour. Sur scène nous voyons encore un homme seul, peut-être pas en paix avec soi-même, mais assurément en bonne relation avec son public, dont on devine ici et là la fidélité. Cette formation musicale (voix-piano-violoncelle) est sans doute celle qui lui va le mieux, et je ne pense pas que des guitares supplémentaires pourront améliorer la présence de ce chanteur si attachant.
C’est un groupe valenciennois, Greenshape, qui a ouvert la soirée, avec un rock mélodique plutôt élégant, se situant directement dans le sillage de ce que quelques critiques fameux des dernières années ont appelé le "rock à moustaches". C’est un genre injustement sous-estimé, que d’aucuns feraient mieux de réévaluer, plutôt que d’user à son propos de sarcasmes inutiles et dépréciateurs.
Ce qu’on apprécie tant chez Greenshape est sa capacité à saturer chaque chanson, de façon à en faire un tout assez homogène, et assez agréable à l’oreille. Etant moi-même originaire de Valenciennes, je suis content d’apprendre que la scène musicale de cette ville se porte bien. D’ailleurs, c’était bien le Little Rock Café qui avait contribué il y a une vingtaine d’années, à Valenciennes, à développer cette tendance de "rock à moustaches" ; mais je ne suis pas sûr que ce café existe encore aujourd’hui. |