Voir Tinariwen, c'est un peu débarquer avec un imaginaire bêta du désert, du vent, des 1001 nuits, et avoir l'oeil flatté par ces beaux musiciens avec leurs beaux habits colorés sur fond étoilé ; c'est s'attendre à vibrer d'un rythme entêtant et voir cette attente confortée. Mais pas seulement.
Voir Tinariwen, c'est aussi avoir la situation politique malienne à l'esprit, un peu. Ca l'est un peu plus quand on comprend que l'un des membres fondateurs du groupe, Ibrahim, est absent. "Parce qu'il y a des problèmes avec la frontière", nous dira-t-on. Ca l'est aussi quand apparaît le drapeau de l'Ajawad, dont ils réclament l'indépendance. Mais ils n'en disent rien. C'est là, c'est dur, mais c'est autour de rires sur le "Ca va ?" lancé entre chaque morceau qu'ils nous disent "On a tellement de choses à dire qu'on ne peut que demander si ça va".
Ecouter Tinariwen, ça commence par des titres assez semblables, répétitifs, avec rythme lancinant presque bancal mais complexe, qui pourraient tirer vers un ennui sympathique. Mais, effet d'une acclimatation ou chansons plus amples, plus denses, au détour d'un titre a cappella presque guttural, leur musique se déploie, se libère. Et on prend enfin un plaisir frais à ces textes au dialecte incompréhensible, ces voix singulières comme des "gueules", on se régale de ce bassiste et ces guitaristes qui se lancent dans des solos joueurs ; heureux d'être là et de nous faire partager leur bonheur.
Et cet homme qui danse et qui sourit. Ah que c'est bon de bousculer les académismes. Mais toujours quelque chose de mélancolique, dans la tessiture des voix, le son des guitares, enfin dans tout, mais offert comme dans une ronde folle et joyeuse où le corps danse pour l'âme chagrine. Alors elle lui sourit.
"Parce que la vie c'est comme ça, parce que la vie c'est comme ça".
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