Comédie dramatique écrite et interprétée par Marie Dompnier, Lionel Dray, Sarah Le Picard, Laure Mathis, Hortense Monsaingeon, Juliette Navis-Bardin, Jan Peters, Jeanne Sicre et Marc Vittecoq dans une mise en scène de Jeanne Candel.
Est-ce que la mort peut être un sujet théâtral ? Surtout si on n’a pas envie de mettre une majuscule au "m" de mort, et que l’on va parler de la disparition d’un Monsieur-tout-le-monde, même si son nom n’est pas si commun que ça ?...
Qui était Robert Plankett ? Un homme qui avait vécu, qui avait eu une vie capable d’être spectaculaire ? Même pas ! Le scandale en est encore plus grand. Robert Plankett était un être jeune qui a stupidement quitté la terre en cueillant des pommes, en saluant Pascal sur son tracteur...
Alors, c’est tautologiquement normal que cette "vie brève" attire l’intérêt d’un collectif qui se nomme La Vie Brève. Une création qui répugne à commencer, qui joue d’un artifice pirandellien pour se mettre en place. Comme si un vie qui s’achève, une vie qu’on veut croire en suspens plutôt qu’en arrêt définitif, n’avait ni début ni fin, ne pouvait pas finir puisqu’elle n’avait pas vraiment commencé, et ne pouvait ainsi pas faire l’objet d’un spectacle linéaire répondant au credo de la dramaturgie habituelle.
C’est donc toute une équipe de jeunes gens que met en scène Jeanne Candel, une bande de comédiens totalement au service de la mémoire de leur ami, de ce mort encore bien présent sur la scène. Ce n’est pas la mort vu par un Montaigne ou par un philosophe stoïque. La mort, ici, est étonnamment "fraîche", nourrie de questions toutes bêtes, de questions de survivants. Que faire du poulet acheté par la mort ?
Faut-il se partager ses livres ? Comment montrer sa douleur, comment l’exprimer ou la taire ? Il faudra d’abord ouvrir au cutter la scène cachée par un rideau de papier, il faudra ranger, il faudra déranger. La mort n’est-elle pas une métaphore qui dérange, qui vide les placards et remplit les mémoires ?
Chacun dit ses mots, joue sa partition, danse avec le poulet ou établit des listes inutiles. La mise en scène de Jeanne Candel et la dramaturgie de Samuel Vittaz s’attachent à multiplier les détails déposés çà et là et leur accumulation, loin de gêner, contribue à grandir la douleur tout en l’apaisant, tant tout semble offrande à l’amour et à l’amitié.
Les petites afféteries n’irritent jamais et tout ce qui paraît malhabile apporte son supplément d’émotion. En général, on n’aime pas la mort, encore moins la représenter. C’est la grande réussite de "Robert Plankett" d’aboutir à l’effet inverse : ses acteurs font partager aux spectateurs des sentiments sur la mort qui n’ont rien de morbide et qui osent aller jusqu’à l’extrême du simple et du sensible.
En les applaudissant avec une impressionnante chaleur, le public reconnaît sa force à ce spectacle subtil. On en sort indemne, contrairement à ce que dit l’adage. On en sort encore plus vivant et cette mort vécue de si près par l’intermédiaire de la forme théâtrale est un beau moment de vie. |