Comédie dramatique de Bertolt Brecht, mise en scène Roger Vontobel, avec Clément Bresson, Rodolphe Congé, Cécile Coustillac, Annelise Heimburger, Arthur Igual, Sébastien Pouderoux, Philippe Smith et la participation de John Arnold.
Dans l’oeuvre féconde de Bertolt Brecht, "Dans la jungle des villes" n’est pas la pièce la plus connue ni la plus jouée. Très abstraite, s’attachant à la lutte de deux hommes, elle ne la raconte pas d’une manière vraiment linéaire.
Ici, grandeur et décadence, montée et chute ne se distinguent pas nettement et les conflits aboutissent à des contradictions, à des événements aléatoires où personne ne prend vraiment le dessus. En fin de compte, le vrai héros de la pièce est la ville, cette ville de sang et de sueur où s’abîment les hommes, exploités ou exploiteurs, dans la même crainte que tout s’effondre, que tout s’écroule dans les cris et les larmes pour laisser place à un chaos indescriptible, inhumain.
C’est donc à une tâche compliquée que s’est attelé Roger Vontobel en s’emparant du texte de Brecht. Pour reconstituer l’affrontement titanesque entre George Garga, le "prolétaire", et Shink, l’homme riche, il a choisi d’user d’éléments qu’on pourra juger éloigner de l’intériorité brechtienne : la vidéo et le rock.
Le combat onirique et homérique entre Shink et Garga commence ainsi sur un écran blanc, qui plus est dans le vidéo-club dans lequel Garga gagne sa vie misérable. Ce long préambule vidéo permet de créer un effet saisissant quand, soudain, le théâtre reprend ses droits.
Sur la scène, devant un décor nocturne représentant les tours d’une mégapole, on découvre alors un groupe de rock. Shink et Garga s’empoignent dans une atmosphère crépusculaire et la musique très Velvet underground fait la liaison entre les bars et les bidonvilles, les prostituées et les sous-prolétaires, les mafieux et les paumés, qui traversent la querelle des deux hommes.
Ambiance lourde sur fonds vidéo et rock, où l’on sent l’âpreté des sentiments, la moiteur des corps et la solitude de tous avant que tout flambe, avant que la ville s’écroule dans un magnifique effet visuel.
On ne saurait trop souligner la conviction des acteurs, notamment de Clément Bresson et d’Artur Igal, la scénographie pleine de surprises de Claude Rohner et les efforts de Roger Vontobel pour éclairer la poésie brechtienne. Son travail a le mérite de mieux faire comprendre une œuvre moins lumineuse que les autres grandes pièces de Brecht. |