Comédie de Molière, mise en scène de Elise Hobbé, avec Lionel Laget, Yani Lotta et Aude Wojtyna.
Quand on évoque "L’Avare" de Molière, il y a toujours quelqu’un qui reprend en écho : "Ma cassette, ma cassette", et ce n’est pas forcément pour vanter le génie de Molière, mais pour conjurer le souvenir tenace de la médiocrité de la représentation scolaire vue vingt ans plus tôt.
Avec "L’Avare" revisité par Élise Hobbé, nulle crainte à avoir : on ne va pas participer à un chemin de croix molièresque. En effet, elle n’a pas eu l’audace gratuite de dépoussiérer "L’Avare", mais la bonne idée d’en faire une version menée au pas de charge par trois acteurs jouant les douze rôles de la pièce et de se donner comme contrainte supplémentaire un décor composé uniquement de trois caisses à roulettes.
Eh bien, pour une première mise en scène, on peut dire qu’elle s’en tire formidablement et que Jean-Baptiste Poquelin ne doit pas se retourner dans sa tombe quand elle se permet de "couper" dans son oeuvre car jamais elle ne le trahit.
Au contraire, elle fait ce qu’il faut faire avec les auteurs qui en imposent comme Molière : elle le taquine, laissant à ces trois interprètes espiègles le loisir de quelques a-parte et de jolis anachronismes pas plus méchants que ceux de Sofia Coppola dans "Marie-Antoinette".
Évidemment, si Lully et le Lieutenant Columbo n’en reviendraient peut-être pas, le spectateur d’aujourd’hui, lui, admettra sans problème l’usage astucieux du portable sur scène et prendra plaisir devant le plaisir que prennent les trois acteurs en s’emparant de Molière.
Ils le font sans "se la péter" comme dirait La Flèche version capuche et accent du 9-3, interprété ici par Aude Wojtyna, qui sait aussi jouer de la perruque pour être, entre autre, Marianne et Elise. C’est aussi le cas de Yani Lotta qui passe de Valère à Cléante à l’aide d’une paire de lunettes et d’une perruque blonde bouclée avant d’oser une Frosine à la Tootsie.
Quant à Harpagon - un Harpagon rond, moustachu et sobre là où beaucoup de ses devanciers préféraient en faire des mégatonnes - il n’est qu’Harpagon... et Lionel Laget l’est très bien.
On ne dévoilera pas l’artifice de grande mise en scène utilisé par Elise Hobbé pour les scènes finales où la troupe est presque au complet, et on encouragera les spectateurs à venir se réconcilier avec "L’Avare" en dégustant cette version distrayante, vraiment tous publics, pleine d’allant, de sincérité et de bonne humeur communicative. |