Réalisé par Onir. Inde. Drame. 2h40. (Sortie salle 2010 - Sortie DVD 7 juin 2012). Avec Juhi Chawla, Rahul Bose, Nandita Das, Sanjay Suri et Purab Kahli.
On ne peut pas dire qu'on est beaucoup sollicité par les films en provenance de l'Inde sur les écrans français.
Exception faite de quelques kitscheries hollywoodiennes et de films anglais détestables qui perpétuent l'esprit britannique post-Empire colonial, type "Slumdog Millionaire" de Danny Boyle, on ne sait rien sur ce sub-continent qui devrait pourtant franchir le cap des deux milliards d'habitants dans peu de décennies.
S'immerger dans cette culture ignorée sera donc déjà une bonne raison de visionner le film d'Onir, "I am". Composé de "4 contes" tournées dans quatre villes différentes (Srinagar, Kolkata, Bengaluru, Mumbai) et se déroulant pendant la même période, il permet de découvrir, par petites touches impressionnistes, un pays fascinant et parfois effrayant dans ses diversités "diverses" sociales, ethniques, intellectuelles...
Ici, Afia, une femme libre cherche un donneur pour « faire un enfant tout de seule », là une autre, Megha, retrouve le pays de son enfance en proie à un partage ethnique apparemment irréversible. Ici, Omar, un homosexuel qui l'assume, victime d'un coup monté, connaît une humiliation terrible. Là, Abhimanyu, un jeune homme, victime récurrente d'un beau-père pédophile, revit les pires moments de son enfance quand son tortionnaire agonise.
Quand on énumère les sujets de ces quatre récits, on pourrait craindre que leur réunion aboutisse à un film à sketchs, avec le danger que l'ensemble ne soit pas homogène, que certains accaparent plus d'attention que d'autres.
Mais ce n'est pas du tout le cas. Les histoires se succèdent sans se nuire et ajoutent à chaque fois un peu plus d'émotion en nous donnant aussi le sentiment de pénétrer un peu plus dans la connaissance de cette terre indienne inconnue.
Les personnages ont en commun d'essayer de se construire malgré la pression d'une société qui n'aime pas qu'on exprime sa différence, qu'on se refuse à obéir à son groupe d'origine quand il opprime.
Le réalisateur traite chacun de ses récits avec une précision extrême, un sens du petit détail qui donne de la crédibilité.
On parle peu, on montre beaucoup et on n'a même pas besoin de démontrer : Onir sait rendre évident les vérités de ses êtres qui se battent pour être.
On sent ici que l'Inde est réellement en mouvement, que ce mouvement s'il ne mène qu'à l'imitation de la modernité occidentale ne peut que détruire l'âme indienne.
Film utile à la compréhension de l'Inde, "I am" sera aussi l'occasion de découvrir que les comédiens indiens ne savent pas que pousser la chansonnette. Ils sont ici dans la nuance et dans la sensibilité, jamais caricaturaux, et contribuent à faire du film d'Onir autre chose qu'un film regardé d'un œil sociologique.
"I am" est tout simplement un bon film qu'il faut voir. |