Réalisé par Julia Murat. Argentine/Brésil/France. Drame. 1h38. (Sortie18 juillet 2012). Avec Sonia Guedes, Lisa E. Favero, Luiz Serra et Ricardo Merkin.

En pénétrant dans "Historias", le spectateur, parti au départ pour la visite apparemment banale d'un village brésilien, va, au contraire, s'embarquer pour un voyage étrange et inédit au cœur des sens et des sentiments.

Il faudra qu'il soit hardi et sensible pour s'imprégner de l'âme mystérieuse d'une communauté vivant dans un temps léthargique où il serait vain de chercher des éléments de modernité.

Officiellement, le village décrit par Julia Marat dans "Historias" est un de ces villages dont la crise du café a causé la ruine. Quand la ligne ferroviaire a fermé et fait ainsi fuir les dernières activités économiques, seuls les vieux sont restés.

Mais ce que nous voyons par les yeux de Rita, la jeune photographe arrivée là par un hasard bizarre, est-ce vraiment la réalité ? La vérité vraie ? Ou sommes-nous victime de l'illusion dont elle est peut-être elle-même victime ?

Ce qui paraît au prime abord la description simple et tranquille d'une communauté attachante de vieilles personnes perdues ou recluses dans un village oublié que les jeunes auraient déserté pour aller vivre ailleurs, ne cache-t-elle pas autre chose, un mystère par exemple, qui nous plongerait dans un univers parallèle au-delà de la vie et de la mort ?

Ces gens qui vaquent à des occupations rituelles, comme pétrir le pain ou écouter les sermons du prêtre, sont-ils encore vivants ?

Julia Murat nous renvoie à bien des récits sud-américains, pour l'essentiel plus argentins que brésiliens, dans lesquels on hésite sur la nature des personnages : sont-ils rêvés par quelqu'un - en l'occurrence ici la jeune photographe - ou sont-ils des ombres en trois dimensions projetés dans un décor réel par un opérateur démiurge ?

Dans une ambiance qui rappelle les romans d'Aldofo Bioy Casares, "L'invention de Morel" en tête, "Historias" est aussi un bel objet esthétique.

On n'oubliera pas les beaux visages de ces hommes noirs, chapeau sur la tête et bouteille à la main, on appréciera la belle lumière de Lucio Bonelli qui filme avec autant de facilité les extérieurs de ce village si fier dans sa décomposition et les intérieurs en clair obscur de maisons seulement éclairées à la bougie ou à la lanterne.

"Les histoires n'existent que lorsque l'on s'en souvient" avoue sans ambages le sous-titre du film. Nulle crainte que notre mémoire nous fasse défaut : "Historias" de Julia Murat est un film qui creuse son sillon chez le spectateur.

Subtil et secret, beau et pas facile, il envoûtera ceux qui se laisseront attrapés par son étrange charme et ne décevra pas ceux qui ont soif d'un cinéma qui explore des chemins peu empruntés.