Samedi pluvieux en Normandie. Avant d'entamer une journée de festival en banlieue caennaise, on sacrifie à un petit rituel qui consite, à midi en guise de petit-déjeuner, à aller manger entre amis une assiette de tripes accompagnée d'une bonne bouteille de cidre brut. Pendant le repas, le téléphone sonne : interviews des Tindersticks et de Dominique A prévues dans l'après-midi. Pas de temps à perdre, il faut malgré la pluie persistante se rendre sur le site de Beauregard.
En ouverture de ce samedi, sur la grande scène, Léa Solex en formation trio. La caennaise aux longs cheveux bruns joue une folk électrique, chante en français ou en anglais, accompagnée par une violoniste et un clavier. Les compositions, de très bonne facture, sont en plus servies par une voix profonde un peu voilée. Son premier album est en voie d'être enregistré. Léa Warluzel, alias Léa Solex, est à n'en pas douter une artiste à suivre de près. Encore une fois, les découvertes régionales du festival Beauregard sont tout à fait accrocheuses.
Il est maintenant temps pour moi de rejoindre les coulisses du festival pour rencontrer Dave Boulter, le clavier des Tindersticks. La pop richement orchestrée des Other Lives résonne sur le site du festival. Le quintet, composé de multi-instrumentistes qui s'échangent leurs instruments entre deux morceaux nous fait regretter de ne pas être dans les premiers rangs devant la scène, mais une rencontre avec les Tindersticks est un privilège qui ne se refuse pas. De loin, on reconnaît "Old statues" extrait du second album des américains, Tamer Animals, ainsi que leur désormais fameuse reprise de "The Partisan". Des compositions proches des Fleet Foxes, à écouter d'urgence, pour ce groupe qui a ouvert pour Radiohead lors de sa dernière tournée américaine.
Dave Boulter est déjà en interview. J'attends mon tour en écoutant Léa Solex venue pour un show case en salle de presse. Même seule avec sa guitare, les mélodies et la voix sont accrocheuses.
Après l'interview de Dave Boutler, il est temps de rejoindre la grande scène pour assister au concert de Dominique A. Le quintet à vent s'installe en fond de scène, ce qui nous indique que le live s'articulera essentiellement autour des titres du nouvel album Vers les lueurs. Après avoir commencé avec "Contre un arbre", il enchaîne avec "Ostinato", "Vers le bleu" puis "Close West". Thomas Poli à la guitare, Jeff Hallam à la basse et Sébastien Buffet à la batterie sont en formation serrée autour du chanteur. Le ton est résolument rock. Un concert que le chanteur termine avec "En secret" et "Le faussaire". Il semble avoir pris grand plaisir à partager ce moment avec le public de Beauregard, dont les pelouses commencent à se remplir malgré la pluie.
Izia commence alors son concert sous une pluie de plus en plus drue. Après deux chansons, il faut fuir. Non pas à cause du temps, mais bien parce que la chanteuse est insupportable. Même à l'autre bout du site, on l'entend encore hurler. Du bruit pour combler le vide des compos. Entourée de requins de studio qui semblent s'ennuyer un peu, elle multiplie les plans rock dur complètement éculés des années 70. N'est pas Janis Joplin qui veut. Adieu Izia, au plaisir de ne jamais croiser ta route à nouveau.
Direction les backstages pour une interview de Dominique A, alors que Sébastien Tellier donnait au même moment une conférence de presse durant laquelle il parle de manger l'âme des gens. Étrange !
En revenant sur le site le concert des Kaiser Chiefs est déjà commencé. Après deux albums sortis dans l'indifférence générale en 2011 et mars 2012, ils viennent promouvoir leur best of, Souvenir, sorti en juin. Le set est impeccable qui reprend quasiment tous les singles des deux premiers albums, "Employment" et "Yours Truly, Angry Mob". La composition du groupe est la même depuis leurs débuts discographiques en 2005. Ricky Wilson, se déchaîne. On ne l'avait pas vu aussi en forme depuis le concert des Chiefs à l'Olympia en 2007. Petit hommage en passant à Donna Summer en reprenant quelques mesures de "Love To Love You Baby". Un excellent concert dont le point d'orgue sera la chanson "Ruby" reprise en choeur par tout le public.
Alors que les Tindersticks montent sur scène pour interpréter leur dernier album, The Something Rain, ironie, la plus grosse averse de la journée débute. Il commence à tomber des trombes d'eau, les spectateurs cherchent un endroit où se réfugier. Le devant de la scène paraît désertée. Les musiciens continuent d'interpréter leurs superbes mélodies, mais ils regardent le public et sourient tristement devant les conditions de plus en plus extrêmes. L'ensemble du dernier album, sauf "Chocolate" est livré à la maigre audience. Tout est parfait, sauf le temps. À la fin du concert, ils viennent saluer et applaudir le public resté malgré la pluie.
Toute la pelouse a été transformée en un énorme champ de boue en seulement une heure de violente averse.
C'est alors au tour de Jean-Louis Aubert de monter sur la grande scène. Même s'il n'a pas interprété "Crache ton venin", je ne vais quand même pas me gêner. On ne peut pas dire que je me précipite pour aller le voir jouer mais on constate quand même que la vie est mal faite puisque le soleil est revenu. Tant mieux car sinon le concert d'Aubert se serait transformé en double peine. "Argent trop cher" et "ça (c'est vraiment toi)" sont reprises en chœur par le public jusque dans les dernier rangs. Jean-Louis Aubert peut donc se targuer de pouvoir donner espoir à de nombreux chanteurs car bien qu'il n'ait jamais réussi à chanter juste, il mène sa carrière depuis trente-cinq années. Comme en plus ses musiciens intègrent des extraits de classics du rock comme "Satisfaction" des Stones au milieu des compos du Père Aubert, cela donne l'impression d'un groupe de reprises pour la fête de l'andouillette. Il aura eu au moins l'avantage de faire se déplacer le public plus familial et moins rock malgré les conditions météo. On aurait aimé fuir mais il y avait Sébastien Tellier juste après. Le temps de se restaurer, de prendre une bière à la pomme au stand de la microbrasserie locale, qu'Aubert termine son concert par "Un autre monde", et le gourou Tellier apparaissait en costard blanc sur fond de lumières bleues sur la petite scène. L'interlude Aubert aura tout de même été long et pénible.
Intro puis un problème technique, peut-être "dû à la boue", qui empêche tout retour sur scène. Le show de Sébastien Tellier commence enfin. C'est encore essentiellement le dernier album My God Is Blue qui est mis en avant. Je pars en milieu de concert, pendant "Divine" qui aurait été beaucoup plus agréable dans une nuit étoilée que sous les trombes d'eau qui tombent à nouveau. En rejoignant la grande scène où va bientôt rentrer Gossip, j'entends au loin "La Ritournelle".
A peine rentrée sur scène, Beth Ditto réchauffe le public qui est venu en nombre la voir. La setlist est équilibrée entre morceaux nouveaux et anciens. Même si le récent Joyful Noise est moins enthousiasmant que ses deux prédécesseurs, une chanson très dansante comme "Move in the right direction" s'intègre bien au concert. Le public répond, applaudit, danse dans la boue. Reprise bouillante de "Smells like teen spirit" de Nirvana. Beth Ditto arpente la scène, harangue le public, dit quelques mots en français, remercie souvent, envoie des "bizousses" à ses fans. Bref, elle réalise le concert parfait, enthousiaste, énergique, et réussit à faire oublier à tous la pluie et le froid. On peut reprocher au groupe derrière d'être un peu statique, mais le renfort d'un bassiste et d'une jeune femme aux claviers amène un vrai plus aux versions live. Un concert généreux et plein d'énergie.
Ensuite, c'est au tour d'Orelsan de jouer dans son jardin caennais, mais après deux jours la fatigue a le dessus. Pourtant, Le chant des sirènes est un album réussi, beaucoup plus rock dans l'esprit que ne le seront jamais Aubert ou Izia. On entend de loin "Mauvaise idée" ou "Plus rien ne m'étonne" dans des versions assez différentes de celle du disque.
Arrivés sur le parking, on trouve des voitures enlisées, sorties des ornières par un tracteur. Il est vraiment temps de rentrer si on veut pouvoir survivre à la 3ème journée de festival.
En conclusion, une très bonne deuxième journée avec la découverte Léa Solex, la confirmation Other Lives et les excellentes prestations de Dominique A, Kaiser Chiefs, Tindersticks et Gossip. |