Cet album d’hommage à Daniel Johnston rappelle l’époque où Dylan, qui n’attirait alors que les afficionados avec ses albums acoustiques, cartonnait pourtant dans les charts quand les Byrds, les Turtles ou Cher reprenaient ses chansons. Dans les deux-cas, on est en effet face à de tels songwriters que les titres s’imposent toujours, que ce soit dans leurs versions primitives - Dylan avec sa guitare, son harmonica et sa voix de canard, Johnston avec le piano de ses parents et sa voix de canard - ou enrobés dans des formats plus arrangés pop-rock.
On savait déjà que le traitement rock réussissait aux morceaux de Daniel Johnston : ses derniers albums produits par Sparklehorse, Yo La Tengo qui avait grâvé un superbe "Speeding Motorcycle" et Katie McCarthy, qui il y a dix ans, enregistrait un album entier de reprises de Johnston (sans parler des Perfect Kevins).
Pour ce tribute, on a droit au gratin : ca commence à fond avec Teenage Fan Club et Jad Fair qui donnent une version très fidèle de "My Life Is Starting Over Again", avec un bel orgue à la Velvet Underground ; on connait l’amitié qui unit Jad et Daniel ; leurs deux voix, tout aussi fragiles, se répondent depuis longtemps, il était bon qu’il ouvre ce tribute.
Clem Snide continue avec une version 
              poignante de "Don't Let the Sun Go Down 
              On Your Grievience" avec de belles voix. Gordon 
              Gano, qui reprend "Impossible Love", 
              a lui aussi une jolie voix à la Lou 
              Reed, en particulier dans l’impro finale. Les Eels 
              font un superbe "Living Life" 
              ; dans l’ensemble, c’est un bel album de voix et de 
              guitares qui sonnent bien comme on aime. T.V. 
              On The Radio reprend "Walking the 
              Cow", magnifique titre de Daniel dans une version lancinante 
              parfaite. "Good Morning You" 
              par The Rabbit, révèle le 
              côté pop, jamais loin dans tous les titres de Daniel 
              (il n’est pas un immense fan des Beatles 
              pour rien). "Sorry Entertainer" 
              par le désopillant Calvin Johnson 
              et sa voix de basse sur fond de boîte à rythme, est 
              peut-être le titre le plus déjanté du cd, bien 
              dans les habitudes du personnage ; et, là encore, quel compo... 
              ! "Devil Town" était, 
              à l’époque de l’album en 1990, une effrayante 
              chanson a-capella ; Bright Eyes en fait 
              une ballade plus apaisée avec solo de guitare psyché 
              et harmonies vocales. Death Cab For Cutie 
              reprend "Dream Scream", de 
              l’album Rejected Unknown, 
              sur fond de batterie free et de claviers atmosphériques : 
              magnifique ! Beck suit avec "True 
              Love Will Find You In The End" (quand je vous disais 
              qu’il y a du beau linge !) ; excelent choix de Beck qui s’approprie 
              parfaitement cette ballade folkie. Ensuite, viennent (non ! eux 
              aussi ?) Sparklehorse with the Flaming Lips 
              qui font un parfaitement lennonien "Go" 
              qui doit ravir Johnston. Encore un grand nom : Mercury 
              Rev et "Blue Clouds", 
              même si sa version un peu grandiloquente n’est pas la 
              plus emballante du tribute. La chanteuse de Thrisle 
              chante exactement comme Debbie Harry 
              et leur version punk-rock de "Love Not 
              Dead" est bien agréable. Ensuite, c’est 
              la perle : Vic Chesnutt transforme le 
              sautillant "Like A Monkey In A Zoo" 
              en une de ces ballades belles et tristes comme lui seul sait les 
              faire. Suivent "Dead Lover's Twisted Heart" 
              par Starlight Mints et "Story 
              of an Artist" par M Ward, 
              tous deux moins essentiels. Enfin, Guster 
              choisit une des plus belles ballades de Johnston : "The 
              Sun Shines Down On Me", et ses textes uniques ("I’m 
              walking down that emty road / But it ain’t empty now because 
              I’m on it"). Enfin, Tom Waits, 
              accompagné de Mark Linkous de Sparklehorse 
              et de Marc Ribot, le guitariste bizarre, 
              s’offrent "King Kong" 
              et c’est du Tom Waits parfait, avec percussions chantées 
              et délires.
              
              Les initiateurs de ce tribute (la famille de Daniel) ont eu la bonne 
              idée d’offrir un deuxième cd avec les mêmes 
              titres dans leurs versions originales par Daniel Johnston. Ce qui 
              vous donne un magnifique Best Of. Vous pourrez ainsi comparer. Et 
              franchement, même pour un fan, c’est un vrai plaisir 
              de passer de l’une à l’autre version. Les deux 
              versions de Walking the Cow, par exemple, sont l’une comme 
              l’autre tout aussi fascinantes. En prime, vous aurez droit 
              à un avant gout du prochain cd plus une vidéo, les 
              lyrics et des tas de dessins.
Une partie de l’argent aidera Daniel Johnston à survivre : à 43 ans, il vit encore chez ses parents...



