"Un roman au suspense haletant, des personnages sincères et attachants, une histoire envoûtante que vous n’oublierez jamais"… What ? Est-ce donc ça ce qu’on dit du dernier Thierry Cohen, Si tu existes ailleurs ?
Amour, mysticisme, romantisme pas trop gluant sont les mots que j’utilisais pour parler de Cohen et de ses romans jusqu’à celui-ci. Mais là, je suis déçue. J’ai lu ce roman d’une traite lors d’une nuit d’insomnie, j’ai lutté contre l’envie de sauter des pages, non pas parce que j’avais envie de connaître la fin, mais parce que c’est long une nuit où il ne faut pas faire de bruit pour ne pas réveiller ceux qui n’ont pas loupé le coche de Morphée (et mon chat dormait sur mes pieds, le bouger aurait été scandaleux !).
Mais comme j’avais passé un doux moment avec Longtemps, j’ai rêvé d’elle, Cohen a toute ma sympathie et je lui ai inventé une excuse (et un coupable !). Les auteurs chanceux (dont écrivain est le métier et non le passe-temps pendant les matchs de foot, les nuits d’insomnies et les jours de pluie) sont sous contrat avec des maisons d’éditions qui exigent un roman par an (plus ou moins). Peut-être que l’actualité politique et les préparatifs des JO ont désorienté l’auteur qui a vu son inspiration ficher le camp vers des contrées plus cyniques, ou bien son ordinateur est tombé en panne, il n’a pas pu relire son premier jet, ou son chien a mangé son scénario, ou sa femme a utilisé ses notes pour laver les carreaux à la portugaise (ça évite les traces !) ?
Pourtant, les idées sont là, les péripéties aussi, mais il manque quelque chose à ce roman pour être prenant, pour raviver les braises de l’attachement au héros : Noam Beaumont (influence LePen – Hénin-Beaumont ?) va un jour faire un petit coucou à sa sœur (une Wonder Woman qui a fait un bébé toute seule), le bébé en question, une Anna que l’on imagine craquante à souhait prononce un jour une phrase lourde "Tu vas mourir du cœur en même temps que cinq autres personnes".
Bien évidemment, elle ne se souvient de rien, Noam panique, file chez sa psy (c’est là qu’on apprend qu’il a un passé tragique), qui lui conseille une autre psy, ancienne thésarde sur "les enfants prophètes". L’aventure, la curiosité, un emploi du temps malléable (mon patron ne serait pas tellement d’accord que je prenne autant de jours de congés à la suite, sans préavis), des moyens financiers largement au-dessus de la moyenne (un petit séjour en Syrie, retour au bercail pour repartir immédiatement en Belgique et de l’autre côté de l’océan…) emmènent Noam dans un jeu de piste sur les traces de son amour de jeunesse.
L’auteur possède le talent d’une plume fluide et agréable, mais Madame Kyen (ma prof de Lettres et son caddie à roulettes plein d’oranges à manger en corrigeant nos copies) aurait jugé la copie bâclée, les rebondissements déjà vus, le joyeux amalgame entre les psy (psychiatres, psychanalyse, psychothérapeutes… what else ?) un peu douteux…
Tu sais Thierry Cohen, pour faire un bon macaron, il faut laisser croûter la préparation pendant une à trois heures, la surface durcit, laissant l’intérieur coulant, en cuisant doucement, le macaron sera d’un moelleux incomparable sous cette petite surface plus solide. C’est pareil pour une intrigue, il faut la laisser reposer, pour que la surface se raffermisse, que les rebondissements se lient, pour que le résultat soit étonnant.
Si tu existes ailleurs confirme les talents d’écriture de Thierry Cohen, mais dévoile des imperfections dans la scénarisation de ses histoires. La lecture est un bon moment, seulement si elle s’accompagne d’un grand bol de chocolat chaud (et d’un chaton ronronnant de plaisir). |