Retour en images sur la réjouissante édition d’un de nos festivals préférés. Programmation alléchante, ciel sans nuage, la Route du Rock a tenu (presque) toutes ses promesses. Les outsiders ont brillé et c’est finalement la tête d’affiche qui laisse l’impression la plus mitigée.
On est toujours impatients et excités, à l’approche du 15 août ; pas uniquement à cause de la promesse d’un jour férié mais surtout car c’est la période d’un festival de qualité qui, après 21 éditions, titille encore nos oreilles comme au premier jour.
A noter cette année, un véritable effort de l’organisation (qui se débat avec un budget plus que serré et essaie par petites touches d’améliorer les conditions d’accueil, ce qui de part la configuration du site et les forces en présence, est un challenge) concernant l’aménagement du site. Deux lieux de rassemblement ont été créés : l’un, au cœur du camping, regroupe (enfin !) la billetterie, les accréditations, le point info… de manière à éviter les allers-retours très mal vécus des années précédentes. L’autre, à l’intérieur du site, constitue une véritable placette autour de laquelle sont installés le merchandising, l’espace Labels & Fanzines et la restauration. Autre bonne idée, l’entrée du festival et les contrôles sont placés plus en amont, de manière à fluidifier la foule débarquant en fin d’après-midi.
Côté Musique, la scène "auxiliaire" dite pompeusement "de la Tour" testée et inaugurée l’an passée, a été agrandie et accueille désormais deux groupes par soirée, en début et milieu de soirée pour un break salutaire. L’initiative est heureuse car elle permet d’attirer un peu plus de monde pour le premier concert sur la grande scène et éviter ainsi aux groupes de jouer devant une audience très clairsemée, ce qui n’est jamais très confortable.
Je fais l’impasse sur les concerts de l’après-midi sur la plage, pourtant les conditions s’y prêtent ! Oubliés le déluge de l’année passée : la météo est plus qu’estivale et c’est sous un soleil de plomb (on se croirait presque à Benicàssim !) que j’investis les lieux. Le public commence déjà à se masser devant la petite scène pour le concert de Yeti Lane qui a la dure tâche de lancer l’édition 2012. Les Français (anciens de Cyann & Ben, sans Cyann) sont desservis par un son vraiment pas terrible et leur pop expérimentale a dû mal à décoller dans ces conditions caniculaires.
J’en profite pour faire un détour par le merchandising où des bénévoles vite débordés tentent gentiment de répondre aux attentes de quelques festivaliers (ah, ce côté amateur et bon enfant qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, ça a du charme et c’est la signature de la Route du Rock mais parfois c’est agaçant !). Il est déjà l’heure d’Alt-J. On peut dire que les organisateurs ont eu le nez creux en signant les Anglais très tôt, avant qu’ils ne deviennent la révélation de l’année 2012. Encore quelques mois et c’étaient presque eux, la tête d’affiche ! D’ailleurs le public ne s’y trompe pas et répond présent (ce qui est très rare à cette heure, surtout vu la météo appelant à jouer les prolongations sur la plage proche). Le buzz a fonctionné et nombreux sont ceux qui attendent de juger le groupe sur scène.
Petit rappel, le nom du groupe vient de la combinaison de touches qui, sur un Macintosh en configuration Anglais affiche le signe (?). Cela explique qu’une poignée d’irréductibles au premier rang se trémousse, arborant des (?) sur le visage et faisant moult signes par une astucieuse combinaison des doigts des deux mains. Ca se présente bien ! Le quatuor déboule sur scène dans une décontraction complète, en quasi tenue de plage (short de bain à fleurs aux couleurs improbables, chemises hawaïennes, casquette touristique de Paris). Ils ne misent pas tout sur leur présence scénique, c’est le moins que l’on puisse dire. Et pourtant… le set sera très bon, à l’image de leur excellent premier album An Awesome Wave. Si la voix nasillarde rappelle Devendra Banhart ou les Clap Your Hands, les mélodies sont imparables ("Intro", "Tessellate" et son changement de rythme irrésistible, l’entêtant "Dissolve Me") et les compositions à la construction tordue finissent toujours par toucher au but. Le clavier se charge des échanges avec le public dans un très bon Français (note incongrue : c’est moi ou il a la voix de Roger Federer ?). Les têtes dodelinent et le "Breezeblocks" final fait résonner des "Please Don’t Go, I Love You So" dans tout le fort ! Waouh, quelle entrée en matière !
Le Canadien Patrick Watson prend le relais et ouvre les (d)ébats avec le virtuose "Lighthouse", difficile de faire mieux. Là encore, côté décontraction, on est servi ! C’est d’ailleurs ce qui fait le charme du personnage, plus que ses compositions qui quoique sympathiques sont un peu répétitives. Mais comment résister à cet accent et ce bagou typiques de nos amis de la Belle Province ? Son dernier album navigue élégamment entre Elliott Smith et Badly Drawn Boy (tiens que devient-il au fait ?) et le garçon sait s’entourer : ses musiciens sont impeccables et soudés, tout en délicatesse (ah, cette trompette) et expérimentations (scie musicale, cordes frottées à l’aide d’une brosse à dent). On est dans le bricolage chic ! Le groupe finit sur un grand moment de complicité en se réunissant autour du même micro pour un titre acoustique. Simple, efficace !
On ne pouvait rêver plus belle introduction pour le retour de Dominique A au fort St Père. Il faut dire que le Nantais est un habitué des lieux. Sa dernière prestation solo, en 2009 avait marqué les esprits (on était resté éblouis par sa prestance). Ce coup-ci, nous avons droit à une formation élargie (pour la dernière fois de la tournée) : ces musiciens plus une section à vent (hautbois, basson, flûte, clarinette), soit près d’une dizaine de personnes. La mise en scène est superbe : des carrés, placés au-dessus de chacun des musiciens, diffusent des rais de lumière synchronisés tournoyant, éclairant, flashant, dansant selon les titres et créant des atmosphères très différentes.
La prestation est impossible à résumer en quelques lignes mais nous avons eu droit à une heure de grâce. Les titres du dernier album (et uniquement ceux là, c’est le seul regret !) sont joués un peu dans le désordre, dans des versions très similaires (c’est le second bémol : quelques morceaux se prêteraient bien à une relecture, je pense au magnifique "Convoi" qui ne demande qu’à exploser sur scène mais les musiciens sont restés un peu trop sages à mon goût). Seul "Mainstream" qui ne m’avait pas spécialement ému sur disque est bonifié par le live, dans une version très électrique. Avec humour, Dominique A fait remarquer que les kicks de grosse caisse en provenance de la boutique Bonobo au fond du site (dont le seul mérite est d’offrir un café de qualité) qui pourrit un peu l’ambiance recueillie du concert s’accorde à merveille avec le titre à venir "Un Geste Absent" ! A noter que le public est lui très respectueux (ce ne sera pas le cas le samedi). Chapeau bas !
Difficile d’enchaîner et c’est Spiritualized qui s’y colle. Jason Pierce revient de loin (pas mal d’excès et de gros pépins physiques ont entravé sa route ces dernières années) et c’est sans doute ce qui lui a donné la force de ramener ses troupes sur le devant de la scène. J’avoue ne pas connaître en détail sa discographie et même si l’homme et son parcours sont plus que respectables, la prestation de ce soir est d’un ennui complet… La disposition même du groupe, en arc de cercle, les deux guitares se faisant face n’incite pas au partage. Le batteur est mou du genou et les deux choristes gospel qui s’évertuent à danser en rythme sur fond de "Doo Wap" font un peu cliché. Comme entendu dans le public "c’est du mauvais Oasis" ! Le public est en parfait décalage, les premiers rangs entamant même des slams sur fond de balade folk. Heureusement, comme par magie, le dernier quart d’heure voit le groupe enfin décoller et nous laisser entrevoir son potentiel réel. Dommage car le réveil est un peu tardif. Comme dirait l’autre, je n’ai pas été touché.
Après Alt-J, voilà encore un groupe très attendu : The Soft Moon, le joli cadeau que se sont offerts les organisateurs en cassant leur tirelire. Les comparaisons les plus élogieuses circulent à leur sujet, à grand coup de Joy Division et de Suicide (en même temps…). Le son est énorme, très marqué 80’s, musicalement on pense à Cure, forcément. Côté chant, en revanche, c’est plutôt décevant : on a surtout droit à des cris dans le micro (façon Crocodiles) sur fond de musique synthétique. Le trio dégage quand même une sacrée énergie et leur Cold Wave est glaçante à souhait, enivrante. Un goût d’inachevé, à revoir très vite dans d’autres conditions.
Voilà déjà l’heure du traditionnel concert électronique… après la prestation très moyenne d’Aphex Twin l’an passé, c’est au tour de son collègue de label, Squarepusher, d’essayer de faire danser le fort (ou du moins ce qu’il en reste). Après une (longue) introduction poussive et dissonante, Tom Jenkinson débarque coiffé d’un casque high-tech rempli de leds. Le visuel en fond est intéressant mais je reste hermétique à sa musique et la fatigue me pousse très vite vers un repos bien mérité (le cœur de cible semble très réduit, vu la désertion massive…). Premier bilan : une première soirée très agréable dans des conditions idéales, même s’il n’y avait pas la foule des grands soirs. |