Comédie historique de Michael Frayn, mise en scène de Jean-Claude Idée, avec Emmanuel Dechartre, Jean-François Guilliet, Jean-Pierre Bouvier, Alain Eloy, François Sikivie, Alexandre Von Sivers, Xavier Campion, Frédéric Lepers, Frédéric Nyssen et Freddy Sicx.

Le Théâtre 14 offre une programmation non conventionnelle qui offre souvent de belles surprises. "Démocratie", pièce germanique écrite par Michael Frayn, ne comportant que des rôles masculins, relate l'affaire Guillaume, cet espion d'Allemagne de l'Est qui réussit à s'insinuer au plus près du chancelier de l'époque, l'ancien maire de Berlin, Willy Brandt.

Les faits sont anciens - quarante ans environ - les mentalités sont bien éloignées des nôtres, tandis que l'Histoire, même accélérée artificiellement, a rendu cette période caduque et surannée. La mise en scène alerte de Jean-Claude Idée, qui évoque presque la bande dessinée, permet de rendre vivants ces caciques politiques d'un autre âge. Et les comédiens sont tout simplement fascinants.

Jean-Claude Bouvier, immense comédien français, le plus doué de sa génération, incarne magistralement le vieux lion socialiste, ancien résistant, réunificateur convaincu du Reich, anti-conformiste romantique, qui s'enivre et court les femmes, connait le vertige suicidaire du pouvoir. Brandt est Bouvier et Bouvier est Brandt. C'est une composition magistrale et le soutènement de tout le spectacle.

Auprès de lui, Alain Eloy, dans le rôle du traître, campé par un bon comédien, qui caricature le veule Guillaume, espion qui aime sa victime mais pour lequel l'exquise jouissance réside dans la trahison.

Emmanuel Dechartre donne toute la finesse de son jeu au personnage d'Helmut Schmidt, ami et compétiteur de Willy Brandt, dont la chute, seule, représente sa chance politique: c'est un réel bonheur que de voir jouer Dechartre.

Enfin, Jean-François Guillet, plein de faconde et de cynisme, sénateur romain des bords du Rhin, incarne le douteux politicien Werner, excellent, juste, jubilatoire. Autour d'eux, une pléiade de petits rôles, et chacun tire son épingle du jeu avec bonheur.

Une bizarrerie : pourquoi ce sifflet de locomotive du Far-West pour évoquer le fameux train (très moderne) qu'utilisait Brandt dans ses populaires déplacements ?

Mais las, ces "dix hommes en colère" offrent une prestation bouleversante, avec un texte à la tonalité très teutonne, instructive, illuminée par un Jean-Pierre Bouvier toujours adoré par son public, de sa jeunesse à sa maturité, et jamais aussi bon que dans "Démocratie".

Le spectacle de la rentrée ?