Seul en scène humoristique écrit et interprété par Fellag dans une mise en scène de Marianne Epin.
Après avoir tripatouillé dans les moteurs avec "Tous les Algériens sont des mécaniciens", Fellag bricole dans les casseroles pour présenter son nouveau spectacle en forme de "cooking show" intitulé "Petits chocs des civilisations".
Mais pourquoi un couscous ? Parce qu'il s'agit d'un plat originaire de Kabylie et que Fellag est berbère ? Non. Mais parce que, en France, si le lundi c'est ravioli, les autres jours c'est couscous, classé "plat populaire préféré des Français", plat convivial et festif dont il fait le symbole de la réconciliation autour duquel il exhorte les hommes de bonne volonté à se réunir pour construire un avenir commun.
Armé d'une toque et d'un tablier de chef étoilé dispensant une master classe, tout en concoctant un couscous en direct live, un vrai dont les effluves parfument la grande salle comble Renaud-Barrault, Fellag rappelle que Français et Algériens ont du linge sale à laver en famille et qu'il serait temps, un demi-siècle après la proclamation de l'indépendance algérienne, de passer au repassage.
Pour saigner à blanc le racisme larvaire et la xénophobie qui, à l'instar de la connerie, ne connait pas les frontières et est la chose du monde la mieux partagée, Fellag virevolte autour d'un piano de cuisine frontal comme celui utilisé dans les émissions télévisées, un décor signé Sophie Jacob.
Le comédien, humoriste et écrivain s'est mitonné une partition aux petits oignons avec une recette gastronomique dont les ingrédients sont la subversion verbale, une intelligence malicieuse, une écriture au cordeau, un humour de fer délivré avec un gant de velours et un humanisme sans faille, le tout émaillé d'anecdotes cocasses jamais anodines et de portraits savoureux pour illustrer les problèmes épineux et délivré dans un timing aussi dynamique que maîtrisé.
Son amoureuse Shéhérazade, alias Marianne Epin, n'est plus sur scène mais à la mise en scène, une mise en scène simple et efficace, dans laquelle Fellag, très à l'aise, en totale liberté de corps et d'esprit, dispense un jeu fluide pour enchaîner d'irrésistibles saynètes.
Ni prédicateur ni militant, départi de tout manichéisme, il porte le le même regard sans concession sur la gouvernance algérienne (qui a tout oublié avec l'indépendance ce qui a abouti au désastre), épingle les travers de ses compatriotes notamment le racisme devenu leur fonds de commerce avec l'alibi de la victimisation et rappelle aux Français que tous les Algériens ne sont pas des terroristes.
Le couscous maillot jaune du Tour de France des plats populaires internationaux, la pratique du mektoub, "le prozac du pauvre" qui relativise les catastrophes, les vertus du Ramadan ("Ramadan le jour, ramdam la nuit"), grande école de maîtrise de soi qui exige de faire pendant ce "mois de rattrapage" tout ce qu'on ne fait pas les onze autres mois, le "chez nous-chez vous", le couscoussier comme métaphore du réchauffement climatique, les relations parfois houleuses entre "le Français pur beurre" et "le Beur pure France", la merguez, "invention des Pieds-Noirs qui symbolisent la peur ancestrale des circoncisions ratées" et Ali "l'épicier arabe du coin" sont autant d'occasions de rire, parfois jaune, de ce que Fellag assimile au racisme à dose homéopathique qui ne fait de mal à personne.
F comme France. F comme Fellag, F comme fraternité. Tout est dit. |