Dès le départ de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, on sent que quelque chose est en train de se passer. On retrouve des journalistes qu'on connaît déjà, on voit des musiciens qui enregistrent leurs instruments au comptoir, et on reconnaît quelques têtes comme melisSmelL, les Zoufris Maracas ou Lisa Portelli. On perçoit, en passant entre les passagers dans la salle d'attente, des bribes de conversation dans lesquelles le nom Granby revient fréquemment. La petite ville québecoise semble une destination prisée ce jour-là.
Arrivée à Montréal, et mise en condition immédiat. Des bus jaunes d'écoliers, comme on en voit dans les films viennent nous chercher à l'aéroport. Après avoir pris l'autoroute, direction Granby pour le Festival International de la Chanson.
Ce prestigieux festival québecois, dont c'est la 44ème édition, est un rassemblement destiné à promouvoir la chanson de langue française et à créer des ponts entre les différents pôles de la francophonie. On y croise beaucoup de professionnels, en particulier des organisateurs de festivals français, belges, suisses et bien évidemment canadiens à la recherche de nouveaux talents à faire découvrir à leur public. Des concerts, la plupart gratuits sous chapiteau, en plein air ou dans des bars, de groupes confirmés ou de jeunes pousses, sont proposés aux habitants de cette ville de 60.000 habitants située à 80 kilomètres à l'est de Montréal. Le festival est, cette année, nommé par l'ADISQ, les victoires de la musique québécoise, dans la catégorie évènement de l'année.
En parallèle, c'est un des grands concours de la chanson au Québec. Une compétition entre 24 artistes, sélectionnés sur plus d'un millier, se déroule sur une quinzaine de jours. La finale qui a lieu le samedi soir est le point d'orgue du festival. Les prix distribués lors de cette finale ressemblent aux prix remis par le FAIR en France : essentiellement des heures de studio, la production d'un album et des aides à la promotion. Lisa Leblanc, finaliste en 2010, a complètement explosé au Canada cette année, se permettant d'être placée devant Madonna dans les charts la semaine de sortie de son premier album. Mais avant elle, Jean Leloup, Isabelle Boulay, Linda Lemay ou encore Pierre Lapointe avaient déjà remporté ce prix qui avait permis de booster leur carrière.
A peine le temps de poser les affaires à l'Hôtel qu'il faut repartir pour le premier concert de cette dernière semaine de festival.
Concert intimiste de Daniel Boucher dans l'enceinte du zoo de Granby. Daniel Boucher a déjà sorti cinq albums, évoluant en quelques années d'un style rock vers la chanson folk.
Pour arriver sur le lieu du concert, un ilôt entouré par un espace dans lequel circulent librement zèbres et zébus, à côté de la fosse aux lions, on passe d'abord devant les éléphants.
Mais Daniel Boucher joue ce soir-là en acoustique. Aucun animal ne viendra l'épauler, point d'éléphant qui joue de la trompette ou de zèbre qui joue des cordes.
Daniel Boucher arrive, jeans délavé, chemise de bûcheron bleue. Il s'accompagne d'une guitare électrique.
Voix légèrement éraillée, accent prononcé, son pop folk mâtiné de blues se révèle agréable, même si les chansons utilisent toutes les mêmes accords de guitare, ce qui donne parfois un sentiment de répétition.
Les textes collent bien à la musique, poésie empreinte de désillusions. Daniel Boucher sait trouver de belles formules : "Le plus dur d'être simple en vie. Deviens-tu ce que tu as voulu ? As-tu fait ce qu'il eut fallu ?", "Se battre à défaire les formules", "La vie pour une piace (pièce), la vie pour un écu". "Manger des claques pour manger mieux."
De son premier album 10.000 matins, il interprétera, outre "Deviens-tu ce que tu as voulu" déjà évoqué, "Aidez-moi" ("Aidez-moi, je suis en pleine tempête, en plein raz-de-marée. Y's'passe pas c'qui devrait s'passer") et bien entendu "La Désise", son tube, à la guitare bien acérée.
Il terminera le concert en imitant les commentaires d'un match de hockey. Les québécois riaient devant ces blagues, tandis que les quelques représentants du vieux continent manquaient de référence pour suivre l'artiste dans son délire. Ce qui l'amusait d'autant plus.
Le Festival de Granby commençait bien.
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