"J'ai volé le copain de ma sœur puis ce fut un tourbillon, chaleur, et flash. En une semaine nous avions tué mes parents et pris la route." Tel était le fameux texte de Raymond Pettibon (bassiste de Black Flag pour l'anecdote), qui ornait avec brio sur l'une des pochettes les plus élégantes de l'histoire du rock. Pour ceux qui n'auraient pas suivi la chose, on parle ici d'une époque que les moins de vingts ans ne peuvent pas connaître, où la jeunesse se prétendait sonique.
Malheureusement pour nous l'affaire semble aujourd'hui pliée et, après un disque plutôt décevant de Thurston Moore, c'est avec une joie non dénuée d’intérêt, que nous nous sommes rendu au Grand Mix, afin d'observer le nouveau projet de Kim Gordon, bassiste légendaire et optionnellement symbole sexuel pour toute une génération d'ados boutonneux. Nous ne reviendrons pas sur l'atroce première partie qui fut aussi intéressante et ambitieuse qu'une bière trappiste sans alcool.
Kim Gordon est ce soir accompagnée par le mystérieux Bill Nace, dont le travail est peu diffusé (afin de faire les connections qui s'imposent, l'on retiendra notamment un disque avec Thurston Moore). Pourtant, ce soir nous avons fait face à un guitariste prodigieux et aventureux issu de la scène noise de Boston, qui fut le principal intérêt du set, ou de la performance (question de point de vue).
Car tout est parfaitement maîtrisé au niveau du son et c'est en cela que la musique présentée en ce soir fut impressionnante. Body/Head nous a gratifiés d'une cathédrale sonique, d'une pyramide bruitiste fort honnête, composée de drones et de larsens splendides.
Le tout était d'avoir du recul quant au travail présenté, car il y a toujours un côté masturbateur déplaisant dans la musique dite contemporaine/expérimentale. Tout est une question de maîtrise et le concert de ce soir était parfaitement maîtrisé de A à Z. Néanmoins, il ne faut pas non plus tomber dans l'illusion, et plusieurs concerts sont nécessaires pour pouvoir apporter un jugement objectif. Car finalement, il est impossible de savoir si ce qui fut joué était écrit ou improvisé.
Quoi qu'il en soit certains passages furent vraiment évasifs. Néanmoins, tout cela peu s'expliquer, puisque le groupe semble être dans une démarche nihiliste parfaitement cohérente.
La musique qui repose sur des fréquences comme le bruit blanc ou des dérives soniques, que les mauvaises langues appellent plus communément le bruit, a toujours reposé sur la destruction, voire la déconstruction musicale et sonore (pour les curieux voir du côté du Metal Machine Music de Lou Reed, de l’œuvre de Merzbow et celle de Keiji Haino).
En ces termes, le concert de ce soir fut un cas d'école. Pourtant, cela manquait d'inspiration, et l'on pourra reprocher à Kim Gordon d'avoir fait ce qu'elle sait faire de mieux et qu'elle propose à son public depuis des années (le fameux coup de l'outil de bricolage sur la guitare). Néanmoins, peut-on parler vulgairement de branlette ? L’expérience de ce soir ne fut pas suffisante à elle-même pour en dire plus.
Visuellement, un film (dont nous ignorons le nom) était diffusé au ralenti X16, et semblait peu judicieux, car moins intéressant que ce que l'on pouvait observer sur scène. Ce qui est dommage pour un projet qui est annoncé comme influencé par Catherine Breillat, cinéaste aventureuse dans son genre (surtout que les images proposées évoquaient bien plus une époque Cassavetesienne...).
Toujours est-il que le "show" de ce soir ne pouvait pas laisser indifférent et l'on salue avec respect le Grand Mix d'avoir le cran de proposer ce genre d'initiative musicale. Pour conclure l'on dira également que les malotrus qui présentaient cela comme une "soirée couguar" n'avaient pas totalement tort, car finalement voir un concert de Body/Head ressemble furieusement à regarder un boulard en crypté sur Canal +. C'est excitant en soit, cela fait beaucoup de bruit, mais qu'est-ce que c'est frustrant... |