Comédie dramatique de Alain Guyard, mise en scène de François Bourcier, avec Jacques Dau et Jean-Marc Catella.
L'exécution de Nicolas Sacco et de Bartolomeo Vanzetti en 1927 a marqué les esprits. Un film italien avec Gian Maria Volonte et une chanson de Joan Baez ("Here's to you") ont réveillé dans les années 1970 cette vieille histoire d'anarchistes italo-américains, victimes d'une erreur judiciaire à l'issue d'un procès inique dans l'Amérique de la Prohibition et des années de l'argent fou.
C'est aujourd'hui le duo Dau et Catella qui ressuscite les deux anarchistes et peuple la belle scène du Petit Hébertot avec leurs rêves de monde meilleur, d'humanité fraternelle et d'utopie ouvrière.
Avant qu'ils apparaissent chargés de chaînes et victimes de la haine raciste et sociale, défilent sur un drap immaculé des images d'archives sur lesquelles s'activent des manifestants aux quatre coins du monde, montrant le retentissement universel de ce "fait-divers".
Alain Guyard ne s'y est pas trompé : il a écrit un hymne humaniste, n'a pas oublié sa dimension politique et se risque à proposer des scènes manichéennes, comme celle où Bart Vanzetti fait face au gouverneur cynique qui va lui expliquer pourquoi il doit - au nom de la 'démocratie' américaine - lui refuser sa grâce, même s'il le sait innocent.
Ce monde binaire, les bons-les méchants, les riches-les pauvres, ne choque pas : c'est bien celui d'un temps où les choses étaient abruptes, sans nuances, aussi tranchées que la lutte des classes ou qu'une sentence de mort qui menait à ce supplice décrit ici par ses détails les plus terribles et les plus sordides.
Toujours à l'avant de la scène, saisis chacun dans la solitude de leur cul-de-basse fosse où ils ne peuvent communiquer, les deux amis se parlent par la pensée, par ce supplément d'âme des grandes âmes.
François Bourcier a imaginé une scène encombrée de chaises qui peuvent se transformer tout en évoquant de manière subliminale, la chaise ultime, la chaise électrique. Sacco et Vanzetti sont chacun leur tour aux prises avec des rouages de l'inexorable machine à tuer, à faire rendre gorge aux hommes libres.
Coiffeur, bourreau, gouverneur... mais pas de prêtres pour ces hommes sans dieu ni maître. Jacques Dau et Jean-Marc Catella incarnent donc plusieurs personnages, rendus signifiants par quelques détails, comme un cigare ou des lunettes noires rondes et un haut-de-forme. Quand l'un joue son rôle-titre, l'autre s'oppose à lui dans le costume d'un comparse inhumain.
Les deux protagonistes sont ainsi dans une gymnastique très physique entre la grande tension d'être Sacco ou Vanzetti et un instant plus tard d'être un de ces pantins qui va contribuer à les supplicier. Ce va-et-vient est une vraie performance d'acteurs rendue possible par l'ingéniosité de la mise en scène de François Bourcier.
La fin, pourtant attendue, prend à la gorge et l'on a, quoi qu'on pense, un pincement au cœur en imaginant le sort de ces deux hommes morts pour des idées qui étaient leur raison de vivre. |