Et si on débutait le week-end par une soirée au Fil de Saint-Etienne ?
Vendredi 19 octobre, le temps lourd, incroyablement chaud, laisse déjà présager que la soirée sera douce. Trois groupes sont à l’affiche ce soir, trois groupes dont les deux premiers partagent un même champ lexical - "Mustang" et "Rover" - coïncidence qui déjà me fait esquisser un sourire, comme une promesse de voyage viril. La salle est loin d’être pleine, je me perds un peu à observer la foule, à palper l’ambiance, la sonder, l’apprécier. Je ne sais pas qui j’attends.
Et trois jeunes hommes entrent en scène, Mustang. La première image qui me frappe : les spots qui se réfléchissent sur la boucle du gros ceinturon. Chemises cintrées, jeans moulants... Dès les premiers accords, je ne suis plus là mais quelque part entre un jukebox et un flipper à siroter un lait fraise en robe à pois aux côtés d’Elvis.
Energique, dynamique, dès la fin de la première chanson je me déhanche. Je me retourne et m’attends à voir la foule danser également, lancer leur partenaire pour un rock endiablé. Certes le public est calme, un peu statique même, mais je sens malgré tout quelque chose d’électrique !
Jean Felzine (chant, guitare, clavier) nous emmène de sa voix veloutée, et les titres s’enchaînent pour du rock aux sonorités des années 50/60. Le clavier à l’accent un peu kitch agrémente le tout d’un ton pourtant moderne. Le jeu de scène participe également à créer ce groove, Johan Gentile (basse guitare) joue aussi bien des mains que des genoux, et l’on sent sur scène que les trois garçons (Rémi Faure, batterie) prennent un plaisir immense !
Les textes sont simples, avec des chansons comme "Le pantalon", "Peut-être" ou "Anne-Sophie", et la simplicité du verbe participe à cette énergie pure, sexy, qui percute et traverse. Je regrette simplement de ne comprendre tous les mots qui parfois sont un peu noyés dans le phrasé langoureux.
Pour clore ce beau moment, les trois Clermontois ont choisi un morceau de leur EP Mustang Reprend, une chanson de Georges Brassens, "Je me suis fait tout petit". Le talent musical se savoure également, on reconnaît les accords, le style et pourtant l’appropriation est étonnante. Les mots résonnent : "Je me suis fait tout petit devant une poupée qui ferme les yeux quand on a la couche" et le texte magique de Brassens prend alors une dimension sensuelle et "croonesque". Un moment atemporel et énergisant avec ce premier groupe charismatique, décapant au goût d’un rétro actuel.
La salle semble se remplir un peu plus, les gens commencent à se masser au bord de la scène. On sent que le groupe le plus attendu va bientôt faire son entrée. Un silence presque religieux envahit le Fil et Rover monte sur scène... emplit la scène.
Thimothée Régnier entonne les premières notes, le son devient matière, palpable et semble sortir du sol. Les nappes de musique transportent, le silence presque mystique de l’assemblée nourrit cette tension. J’ai quitté les années 50, je suis plus loin encore. Le chanteur est charismatique, un géant aux traits fins, chemise noire et veste en velours violet. Il a quelque chose de rococo et dandy à la fois, une touche romantique dans ce que ce mot porte comme émotion, création et sensibilité écorchée. La voix est ronde, enveloppante, maîtrisée, une voix qui surprend, profonde, aux graves suaves et aux aigues d’une douceur angélique. Je me sens bien…
Sur la droite, une jeune femme porte un chapeau sur lequel je peux lire "ROVER" tandis que derrière moi, je vois sur de nombreux visages des sourires béats…
Moment artistique incarné. Le son est puissant, teinté de rock et de pop, cette musique a quelque chose de nostalgique, comme un spleen qui saisit, serre la poitrine et rappelle des instants de son enfance, un goût de paradis perdu.
La salle se réchauffe et le géant de Rover fait glisser le foulard noir et argent qu’il noue sur le pied du micro. Le foulard ondule au rythme du tube "Aqualast" très attendu par le public et reconnaissable dès les premiers accords. On peut d’ailleurs regretter que quelques personnes aient quitté le concert juste après.
Les arrangements sophistiqués de l'ensemble des instruments crée un équilibre harmonieux. Le chanteur parvient à nous émouvoir, les guitares impriment les mélodies dans mon cerveau tandis que la rythmique me séduit et me transporte.
Le temps est presque figé, et pourtant il semble malheureusement s’écouler pour les musiciens qui ne font pas toujours preuve d’engouement pour leur venue Stéphanoise. En effet, on peut être surpris par le public peu nombreux face à ce groupe montant, mais j’avoue avoir été un peu déçue par le manque de présence scénique et de partage de certains musiciens. Le nom des titres ne sera pas prononcé, peu d’interaction avec le public et malgré les applaudissements et les tentatives de rappels, Rover ne reviendra pas sur scène.
Un concert convainquant, musicalement abouti mais qui me laisse sur ma faim et avec une pointe de frustration, sentiment qui, d’après ce que j’entends autour de moi, semble partagé.
Le public s’amenuise tandis que la scène se prépare à accueillir le dernier groupe. Le nom dénote : We Were Evergreen. Tout de suite un univers se dresse, acidulé, à la fois frais, sucré, un mélange étonnant d’électro et de pop. L’énergie est présente, malgré un public clairsemé, le chanteur vêtu d’une chemise et de chaussures roses ouvre le concert au son du ukulélé avec candeur et peps. Au xylophone et à la sono, une jeune femme à la tunique dorée semble elle aussi traversée par ces mélodies colorées, accompagnée par le guitariste à la mèche folle.
Ce trio hors du commun partage une même spontanéité, et la complicité musicale qu’il dégage est plaisante à partager. La musique devient ludique et prend une allure de conte. Je me laisse entraîner, et malgré la fatigue qui commence à se faire sentir le groupe parvient à me faire bouger encore.
Nous avons le plaisir de découvrir plus longuement la voix chaude et suave de la chanteuse pour un titre "Eighteen" qu’elle accompagne à l’harmonica, puis comme le dit le chanteur avec humour, afin de se caler sur la thématique de la soirée ils proposent au public une dernière chanson "Vintage car".
Le concert se termine comme il a commencé, dans l’énergie et la bonne humeur avec une batucada enflammée qui nous laisse un goût de liberté retrouvée.
00h20. Le public peu nombreux quitte le Fil et tandis que je savoure le vent chaud, je songe que le week-end a bien débuté, la soirée a été douce avec des beaux moments musicaux et des groupes éclectiques. |