LEBEN. LEBEN-HEIβT-LEBEN. LEBEN. LEBEN-HEIβT-LEBEN… La première fois que j’ai entendu Laibach, c’était dans un bar gothico-punk à Berlin. J’avais 15 ans, ça remonte à loin maintenant, je n’avais pas tout compris au ton de cette musique électro-industrielle mais je l’avais prise en pleine figure.
An Introduction to… Laibach n’est pas exactement ce que l’on pourrait appeler un greatest hits mais il est une porte d’entrée très intéressante au groupe et à son travail, fruit d’une collection initiée par Mute, comportant également Komputer ou Balanescu Quartet.
"The ultimate expedient of Laibach is their deft manipulation of transference : their public (especially intellectuals) is obsessed with the "desire of the Other" – what is Laibach’s actual position, are they truly totalitarians or not ? – i.e., they address Laibach with a question and expect from them an answer, failing to notice that Laibach itself does not function as an answer but a question." Why are Laibach and NSK not Fascists? By Slavoj Zizek
Groupe culte et précurseur, la formation Slovène explore depuis plus de trente ans les arcanes d’une certaine musique "industrielle". L’influence du groupe est majeure, précurseur dans le domaine musical avec son mélange de boîtes à rythmes, de musiques martiales, de Techno, de métal mais aussi dans le domaine politique avec d’autres groupes d’artistes du NSK (Neue Slowenische Kunst) comme Irwin ou Noordung en Slovénie.
Travaillant en équipe, avec un esprit collectif, Laibach analyse la relation entre idéologie et la culture sous une forme artistique, met en lumière les tensions (troubles sociaux, oppositions idéologiques et les frustrations individuelles). L’enjeu pour le groupe serait de révéler et d’exprimer les liens entre la politique et l’idéologie, ou une idéologie de la production industrielle et les lacunes infranchissables entre ce lien et l’esprit.
Les Slovènes s’inspirent de l’esthétique (musicale - vestimentaire - emblème…) des régimes et des mouvements extrémistes et nationalistes le tout mélangé avec une approche dadaiste. Vous l’aurez compris, Laibach est un groupe conceptuel proche des idées, le suprématisme surtout, de Malevitch (le seul art qui ne puisse faire l’objet de manipulation politique est celui qui utilise le langage de cette même manipulation politique) ou de Guy Debord et forcément provocateur mais n’a strictement rien de nazi ou autre, et chez eux la notion même de concept prime avant la musique, bien que cette musique soit loin d’être mise de côté !
Musicalement, la compilation part forcément un peu dans tous les sens, comportant aussi bien des reprises de titres pop (leur tube "Opus Dei", "Warme Lederhaut" inspiré par la psychopathologie sombre de Crash ! de J. G. Ballard, "Across The Universe" ou "Get back" des Beatles, "Final countdown" d’Europe, "One Vision" de Queen parodié en "Geburt Einer Nation") que d’hymnes nationaux issus de l’album Volk sorti en 2006 ("Germania" réinterprétation de "Das Lied der Deutschen" écrit en 1797 et utilisé comme hymne national de l’empire Allemand pendant la république de Weimar, "Anglia") ou que de titres originaux comme le très Kaftwerkien "Bruderschaft". C’est martial, electro, cela fait penser parfois à Einstürzende Neubauten, à Rammstein ce qui est normal vu qu'ils leur ont tout piqué. C’est totalement ironique mais très sérieux, puissant et magistralement étudié.
An Introduction to… Laibach est donc un disque essentiel pour découvrir la musique et la philosophie de Laibach et il offre un éventail d’une discographie aussi pléthorique que labyrinthique. Seule ombre au tableau : les absences de deux titres majeurs du groupe "In the Army Now" de Status Quo et "Sympathy For The Devil" des Rolling Stones où les paroles de Jagger, "But what’s confusing you, is just the nature of my game" n’ont jamais aussi bien sonné… |