Réalisé par Caroline Deruas. France. Drame. 26 minutes. (Sortie 31 octobre 2012). Avec Adèle Haenel, Félix M. Ott, Arthur Igual et Yves Donval.
Le cinéma français ne cesse de revenir sur la Seconde Guerre Mondiale. Tenant compte quelquefois des derniers travaux des grands historiens de l'époque, le plus souvent débitant des lieux communs liés à la doxa politique du moment.
Pareil reproche ne pourra être fait à Carole Deruas qui traite en moins de trente minutes, et sans manichéisme ni partialité, des amours d'une toute jeune fille française et d'un soldat allemand guère plus vieux qu'elle, et toujours adolescent romantique et rêveur, malgré le vert-de-gris de son uniforme.
Mal partis, victimes du hasard plus que de la grande Histoire, les héros de Caroline Deruas méritaient un autre sort que celui qui leur est promis.
Chacun a ses raisons, même ceux qui en ont de mauvaises, semble penser Caroline Deruas en donnant en quelques traits de la consistance aux personnages périphériques qui peuplent ce drame dense, filmé dans un noir et blanc intense, celui d'un 35 mm qui rattache son récit à tout un cinéma s'interrogeant sur les années sombres.
Car pouvait-on parler de ces "Enfants de la nuit" en numérique ? Pouvait-on comprendre à l'ère vidéo qu'un premier petit bonheur se payait jadis au prix d'un éternel déshonneur ?
En fille forte, généreuse, prête à vivre une vie qu'un vélo crevé va malignement orienter dans une direction imprévue, Adèle Haenel emporte la conviction. Elle y parvient avec une force d'autant plus incroyable qu'elle est minutée par le format court et qu'elle n'a que quelques expressions et pas beaucoup de mots pour justifier la vérité d'Yvette et dire l'injustice de son "supplice" décrit dans des scènes toutes en tension tenue très réussies.
Avec "Un Été brûlant" de Philippe Garrel, Caroline Deruas avait co-écrit ce qu'on pourrait appeler un grand "mélo épique". Elle renouvelle la chose avec "Les Enfants de la nuit" qui rappellent certains Truffaut, ceux où il déployait une gravité légère et une légèreté grave.
Héritière légitime d'un certain cinéma issu de la Nouvelle Vague, Caroline Deruas a réussi avec "Les Enfants de la nuit", un court-métrage qui rivalise avec bien des longs et qui valait vraiment d'être distingué par une sortie autonome. |