La Cinémathèque Française consacre une exposition éponyme au film "Les enfants du paradis", réalisé par Marcel Carné d'après un scénario original de Jacques Prévert, chef-d'oeuvre du 7ème art inscrit au panthéon des cinéphiles et par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité.

Conçue de manière didactique par Laurent Mannoni, historien et directeur scientifique du Patrimoine à la Cinémathèque, et Marianne De Fleury, chargée des collections muséographiques, elle dévoile la genèse d'un film mythique à travers une sélection impressionnante d’archives depuis l'esquisse du scénario aux affiches promotionnelles.

La diversité de celle-ci, dessins, partitions, maquettes, photographies, costumes et affiches sont judicieusement "mises en scène" dans un parcours thématique par la superbe scénographie conçue par Camille Duchemin, Emmanuelle Thierry et Thomas-Félix François de l'Agence Scène.

Les Enfants du Paradis : la petite histoire d'une légende

Le cinéma, c'est une caméra qui filme des personnages dans un décor.

Ainsi commence l'exposition avec la reconstitution de la façade du Théâtre des Funambules, une des caméras utilisées par Marcel Carné et les lithographies monochromes grand format de l'illustratrice Elise Bonabel qui servirent également d'affiche, une par interprète représenté en pied dans le costume de leur personnage.

De nombreux documents et oeuvres, prêts du Musée Carnavalet, permettent d'appréhender le vrai Paris du milieu du 19ème siècle dans le quartier des théâtres populaires, surnommé le boulevard du crime pour ses pièces de Grand Guignol, haut lieu du divertissement populaire avant sa destruction lors des travaux haussmanniens du Second empire, qui est transcendé dans le film.

Et donc, notamment, le Théâtre des Funambules, dont la notoriété tenait aux prestations du mime Deburau et de l'acteur Frédérick Lemaître, où se passe l'action du film.

"Les Enfants du Paradis" c'est, pendant l'Occupation, un tournage interminable au budget colossal et une conjonction exceptionnelle de talents, tant des artistes que des techniciens, qui a concouru à sa qualité, son succès et sa notoriété.

Ceux-ci résultent de l'association fructueuse d'un quatuor exceptionnel : un scénariste et dialoguiste éblouissant, Jacques Prévert, un prodigieux créateur des décors, Alexandre Traumer, un compositeur qui fut l'élève de Béla Bartók, Joseph Kosma, et un technicien aguerri, Marcel Carné assisté d'un excellent directeur de la photo, Roger Hubert.

Scandé par des extraits de films et documentaires, dont des rushs inédits, et accompagné de ponctuations musicales, le parcours thématique rend hommage à tous les intervenants à travers d'impressionnantes archives iconographiques mais également des costumes et des photographies.

En premier lieu, l'écriture avec le scénario original manuscrit de Jacques Prévert présenté à côté du découpage technique du film, également manuscrit, réalisé par Marcel Carné.

Le public pourra découvrir les gouaches originales des décors élaborés par Alexandre Trauner et des costumes imaginés par le peintre Mayo et les partitions de Joseph Kosma qui signe les pièces symphoniques pour les danses et ballets et de Maurice Thiriet pour la bande-son.

De nombreuses photographies relatent la construction du décor par Léon Barsacq aux studios de la Victorine à Nice et les photographies de tournage en noir et blanc rehaussées de couleurs.

Le visiteur passionné pourra également se pencher sur de nombreuses archives de production prêtées par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.

Et puis, "Les Enfants du Paradis" bénéficient d'une distribution éblouissante.

Quasiment la fine fleur de l'époque, avec, entre autres, Jean-Louis Barrault, dans le rôle du mime Pierrot lunaire, Pierre Brasseur, en monstre sacré et cabotin narcissique Frédérick Lemaitre, Marcel Herrand, magnifique dandy du crime que fut Lacenaire, Pierre Renoir et une jeune débutante prometteuse Maria Casarès.

Et, en tête d'affiche, la star de l'époque, Arletty, la gouailleuse, la frondeuse, la femme libre, pour laquelle le personnage de Garance constituera le plus beau rôle, qui est portraiturée par Van Dongen et Moïse Kisling.

L'exposition se clôt sur un florilège d'affiches qui ont accompagné la sortie du film en France comme à l'étranger.

A l’occasion de cette exposition, la Cinémathèque Française a également organisé une rétrospective intégrale des films de Marcel Carné.

Par ailleurs, elle inaugure, au sein de son musée, un nouvel espace, la Galerie des donateurs, destiné à valoriser les enrichissements les plus remarquables de ses collections permanentes avec le fonds Marcel Carné, acquis en 2009 auprès de la French Library de Boston, qui présente une rétrospective iconographique de l'ensemble de l'oeuvre du cinéaste.