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Théâtre de l'Opprimé  (Paris)  octobre 2012

Drame historique de Marc Dugowson, mise en scène Hugo Malpeyre, avec Maxime Berdougo, Gaëtan Delaleu, Naïs El Fassi, Vladimir Golicheff, Tristan Gonzalez, Mathieu Lourdel et Dina Milosevic.

"Un siècle d'industrie" de Marc Dugowson, ou la petite histoire dans le grande : l'entre-deux-guerres en Allemagne, la montée du national-socialisme, et la seconde guerre mondiale à travers l'histoire de la firme qui a mis au point et installé les fours crématoires des camps d'Auschwitz.

En 1918, après la défaite de l'Allemagne, le pays traverse une crise économique sans précédent, l'économie est au ralenti. L'Allemagne doit verser à la France des dommages de guerre. Les meilleurs minerais extraits des mines de la Ruhr sont destinés aux français. Le sentiment nationaliste monte. Le chômage est à un niveau élevé, d'autant que les anciens militaires sont rentrés au pays. Les ateliers licencient à tour de bras.

Dans la petite entreprise familiale Kolb, inspirée par l'entreprise Topf & fils, les affaires suivent leur cours, mais la crise touche aussi le marché des crématoriums de cimetière. Le patron demande à sa secrétaire et au comptable de préparer les dossiers pour licencier 200 personnes.

Quelques années après, l'Allemagne retrouve sa grandeur, relève la tête après une longue période d'humiliation, à travers une politique d'extension territoriale, d'investissements d'État dans une logique de guerre. Dans ce contexte, la firme Kolb va devenir prospère grâce au sens commercial d'un jeune ingénieur qui trouvera un débouché inattendu aux produits de la firme en modifiant les crématoriums de cimetière en des fours qui peuvent brûler plus de corps à la fois, tourner en continu, supporter des chaleurs plus élevées...

Les fours seront installés à Auschwitz, le marché remporté devant d'autres fabricants de fours crématoires, et même d'une entreprise spécialiste de l'élimination des déchets. Dans une logique industrielle, dont la fin ne peut plus être ignorée, où les affaires croisent de plus en plus le monde politique, la firme continue à livrer des fours de plus en plus performants.

Lorsqu'on se rend à Auschwitz, on visite deux camps. Le camp principal, Auschwitz I, camp de concentration et de travail forcé, est composé d'anciens dortoirs, de bâtiments administratifs et d'une petite chambre à gaz. C'est à l'entrée de ce camp que se trouve la fameuse grille de fer forgée avec l'inscription "Arbeit macht frei".

Dans ce qui est aujourd'hui un musée et lieu de mémoire, on peut voir des photos d'anciens prisonniers mais aussi des piles de chaussures, de lunettes, de peignes,de vêtements... les effets personnels qui avaient été retirés aux prisonniers politiques, aux intellectuels, aux prisonniers de guerre russes et aux éléments "associaux" : les juifs, les tziganes, les handicapés, les homosexuels, les prostituées...

Christian Boltanski, en 2010, lors de l'exposition Monumenta au Grand Palais, avait évoqué ce camp. La scénographie d'Emmanuelle Chapione-Piriou et de Josselin Vamour s'inspire en partie de l'oeuvre de Boltanski. Des piles de vêtements pliés entoure l'aire de jeu, rappelant ainsi ce camp. De plus, les loges des artistes sont sur le plateau, en fond de scène, évoquant ainsi le statut des prisonniers pour lesquels l'intimité était bannie.

Le second camp d'Auschwitz, Birkenau, était le camp d'extermination. C'est celui dont la porte d'entrée, avec les rails pour amener les prisonniers en train par wagons entiers, est montrée dans "Shoah", le film de Claude Lanzmann. Il est composé de baraquements alignés côte à côte. Dans chacun de ces baraquements des sortes de casiers en ciment avaient été construits afin que les prisonniers dorment, entassés les uns au-dessus des autres dans un évident souci de gain de place, comme une recherche d'efficacité dans la gestion des stocks en entreprise. C'est dans ce camp que les deux fours principaux, aujourd'hui détruits et laissés en l'état de ruine, avaient été construits.

Sur l'aire de jeu, entre les deux zones où sont entassés les vêtements, la mise en scène d'Hugo Malpeyre privilégie le mouvement. Tandis que les côtés de la scène ont pour vocation d'évoquer les camps, l'aire de jeu est traversée par les acteurs, dans des mouvements qui s'accélèrent à mesure que les exigences d'augmentation des capacités des fours par l'officier SS, ingénieur du camp, se font plus pressantes.

Le fond de scène reste le plus souvent dans la pénombre, évoquant ainsi le refus de savoir, même lorsque la vérité ne peut plus être ignorée. A ce titre, le travail de Delphine Perrin aux lumières est remarquable.

Il y a enfin des acteurs, tous plus investis les uns que les autres. Parmi ceux-ci, les personnalités les plus patentes sont Tristan Gonzalez, dans le rôle du froid ingénieur chargé de l'amélioration de fours pour le société Kolb, Naïs El Fassi, dans le rôle de l'épouse du directeur et maîtresse de l'ingénieur, Gaëtan Delaleu, extraordinaire en ancien ouvrier devenu officier nazi plein de morgue et de suffisance, et Vladimir Golicheff, dans le rôle du comptable juif.

Le personnage du directeur de la firme, vieillissant et hésitant, ne permet pas à Mathieu Lourdel d'exprimer tout son talent en raison du caractère soit caricatural, soit indécis du personnage. Enfin, Dina Milosevic et Maxime Berdugo sont impeccables, mais dans des rôles de personnages qui croisent de manière plus éphémère le destin de la firme Kolb.

Le texte de Marc Dugowson se termine sur un épisode actuel et profondément cynique, qui permet d'élargir son propos. D'une part, le fait de refuser de voir un génocide ou un massacre et de le dénoncer constitue un acte de collaboration à cet acte, comme aujourd'hui avec le Mali ou l'Ouganda. D'autre part, il rappelle que le capitalisme, dont la composante de base est d'abord la recherche du profit, est à ce titre dépourvu de moralité.

La création des uniformes des SS par Hugo Boss, la fabrication du Zyklon B par BASF, la création de Fanta par Coca-Cola pour approvisionner l'Allemagne nazie ou encore les cartes perforées développées par IBM pour rationner le processus d'extermination n'en sont que quelques illustrations. Enfin, il rappelle que la crise économique et le chômage entraînent invariablement une montée des nationalismes et la désignation d'ennemis intérieurs.

Pièce forte sur un sujet difficile, "Un siècle d'industrie" de Marc Dugowson et mis en scène par Hugo Malpeyre est incontournable.

 

Laurent Coudol         
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