Spectacle de théâtre musical conçu, mis en scène et en musique par Heiner Goebbels, avec le Vocal Theatre Carmina Slovenica.
S’il fallait trouver une expression pour définir le spectacle d’Heiner Goebbels, on pourrait parler de "patchwork coloré".
Fourre-tout post-moderne plein de fraîcheur et de naïveté grâce à la quarantaine de jeunes filles slovènes qui compose le Vocal Theatre Carmina Slovenica, "When the mountain changed its clothing" brasse et colle beaucoup d’éléments (textes, musiques, ours et lapins en peluches) pour un résultat qui ne laissera personne indifférent. Pas d’eau tiède en perspective pour le travail d’Heiner Goebbels.
Soit on aime et l’on sera tout de suite envoûté par les voix angéliques de ces jeunes Slovènes qui se diffusent harmonieusement dans tout le théâtre, et l’on sera totalement conquis par les textes singuliers qu’elles récitent avec un délicieux accent slave qui rend leur anglais plus enfantin que phonétique.
Soit on trouve tout cela vain, niais, décoratif et on ne supportera pas plus le gazon sur lequel les jeunes filles déposent leurs doudous que le reste de la scénographie méticuleuse et pourtant inventive de Klaus Grunberg, en se demandant pourquoi les jeunes chanteuses vont et viennent avec leurs chaises, échangent leurs chaussures pour de jolies bottes en caoutchouc et enfilent, en prévision de l’orage, des vêtements plus conformes à un temps de pluie.
Reste que ce spectacle, si on l’accepte comme une "plongée ludique" dans une sorte d’enfance éternelle et enchantée, déploie beaucoup de charme et d’astuces scéniques, fait entendre un Jean-Jacques Rousseau inattendu et un Alain Robbe-Grillet plus profond qu’on ne le supposait.
Évidemment, ce spectacle dans l’air du temps cède parfois à certains tics d’époque. Comme ce moment inutile, où nos quarante Slovènes assises alignées à l’avant-scène regardent longuement les spectateurs, sans rien faire d’autre que d’attendre que certains se lassent de ce long silence…
Mais passée cette séquence oubliable, on ne peut contester à Heiner Goebbels une réelle capacité pour créer un climat authentiquement poétique. Avec "When the mountain changed its clothing", il invente, pour ceux qui auront adhéré à son univers, une belle petite bulle de bonheur qui n’éclate pas tout de suite après la fin du spectacle.
Que demander de plus au théâtre ? |