Réalisé par Ami Livne. France / Israël / Allemagne. Drame. 1h21. (Sortie 7 novembre 2012). Avec Adnam Abu Wadi, Maysa Abed Alhadi et Adnam Abu Muhareb.
"Sharqiya" est le nom que les Bédouins qui vivent dans le sud d’Israël donne au vent d’Est, qu’ils considèrent comme mauvais et dangereux parce qu’il apporte toujours poussière et chaleur et assèche les corps.
Ici le vent annonce la destruction de leurs maisons par les autorités israéliennes, pratique courante, car les Bédouins sont installés depuis toujours sur des terres dont ils n’ont pas officiellement les titres de propriété.
Pour son premier long-métrage, le cinéaste israélien évoque avec beaucoup de retenue l’injustice faite à ces "citoyens" israéliens, qui depuis 1948 sont considérés comme des occupants illégaux de terres qu’ils ont toujours habités et, par voie de conséquence, peuvent en être chassés en toute légalité.
Ici, Kamel, le héros, travaille à la ville voisine comme agent de sécurité, porte avec fierté son uniforme de vigile israélien et vit, parfois à couteaux tirés, avec son frère Khaled, plus lucide politiquement et plus radical religieusement, et avec sa belle-sœur Nadia, dans des baraques autour desquelles ils pratiquent à un petit élevage de chèvres et cultivent un maigre lopin de terre.
Pour empêcher que soit mené à bien l’avis d’expulsion qui les frappe, il imagine un stratagème désespéré : ayant désamorcé une mine, il la redépose près d’un arrêt de la gare routière de Be’er Sheva où il travaille, fait semblant de la découvrir… et espère que devenu le héros du jour, il pourra arrêter le cours inexorable de l’injustice…
Évidemment, ce sera peine perdue et Ami Livne filmera cliniquement, presque en temps réel, comment les autorités israéliennes, venues exagérément en nombre et grotesquement armées jusqu’aux dents, appliquent la "décision de justice", avec pour seul commentaire le silence terrible du trio voyant le bulldozer écraser leur baraquement de fortune, et piétiner du même élan leurs maigres cultures.
"Sharqiya" d’Ami Livne est un beau film, jamais dans la thèse, toujours dans l’empathie avec les personnages des bédouins. Le réalisateur en profite pour filmer magnifiquement le Sud israélien parcouru par Kamel à pied, en âne ou en bus. Pays dur et fier, il est à l’image de ces Bédouins, déjà prêts à reconstruire ce qu’on vient de leur détruire.
Un film qui a trouvé le bon rythme et la bonne distance pour décrire les réalités israéliennes. Il les décrit sans aucun manichéisme, mais les images sont précises et sans complaisance. Si rien n’est fait pour "adoucir" le sort des Bédouins comme Kamel, Nadia et Khaled, le vent "Sharqiya" peut souffler, et très fort, dans une direction inattendue… |